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indifférent que le siège soit occupé par saint Louis ou le soit par Laubardemont (à quelques siècles l’un de l’autre).

Avons-nous saint Louis ou Laubardemont ? Avons-nous simplement le chêne ? Pour estimer à son prix la censure, il faudrait, dans le système de M. le Président du Conseil, connaître les censeurs. Or ils sont inconnus et restent inconnaissables. La censure est ce qu’elle est, parce qu’elle est, tout en n’existant pas. Bien qu’on lui ait enfin donné une tête, nous ne pouvons nous la représenter, à la manière de Victor Hugo, que comme une bouche d’ombre parlant par oracles dans une face de néant. C’est le dernier refuge de la modestie. Nous qui désirons fort ne pas nous brouiller avec elle, nous nous garderons décrire ici tout le bien que nous en pensons.

La Chambre a discuté ensuite deux ou trois interpellations, d’une importance ou d’une conséquence très inégales, mais qui ont ce trait commun que leur opportunité n’était pas évidente. La première a eu pour objet l’affaire dite « des marchands de vins de Marseille. » En elle-même, ce n’est qu’une petite et assez misérable affaire. Les débitans marseillais se plaignaient de ce que l’accès de leurs cafés était interdit par l’autorité militaire aux soldats, même permissionnaires et de passage, pendant de trop longues heures du jour, beaucoup trop tôt le soir ; surtout ils se refusaient à comprendre comment ce qui était défendu chez eux, dans la quinzième région, pouvait être permis à Lyon, dans la quatorzième. Mais l’incident, vulgaire à son point de départ, s’était compliqué du fait que, le général Servière, commandant la quinzième région, s’étant laissé attendrir par leurs doléances, le général d’Amade, envoyé en inspection, avait rétabli, peut-être un peu renforcé la mesure ; et qu’à la suite de cette inspection, le général Servière avait été rappelé. Sur quoi les marchands de vins de Marseille, qui, selon l’expression de leur député, M. Bouisson, sont « des exubérans, » avaient jeté feu et flamme. Ils avaient tenu plusieurs meetings et pris plusieurs résolutions, dont deux au moins étaient contradictoires sans qu’aucune fut modérée. Après s’être déclarés « en permanence » jusqu’à ce que la Chambre leur eût « rendu justice, » ils avaient décidé de fermer leurs établissemens jusqu’à ce qu’ils fussent autorisés à les ouvrir aussi longtemps et aussi largement qu’ils le jugeaient bon. A partir de ce moment, en vertu de nos habitudes, le Parlement était saisi, et de cette histoire devaient naître quelques épisodes fâcheux ou pénibles. Il vaut mieux ne pas insister. L’aventure n’offre aujourd’hui d’intérêt que par la leçon qui s’en dégage : et c’est qu’une pareille discussion eût pu, et