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Souvenirs, il se fit romancier. Un premier roman abondant, touffu, dont la composition l’occupa pendant plusieurs années, Ascension, est en effet moins un roman qu’un testament biographique, littéraire, philosophique. L’auteur a voulu tout dire, exprimer toutes ses idées, rendre hommage à tous ceux qu’il a aimés et qui furent sur cette terre sa raison d’être, adresser son adieu aux choses et aux gens. Le personnage dont il fait son porte-parole est, lui aussi, un hobereau, grandi dans une gentilhommière méridionale. Il a épousé, par amour, un être trop délicat, trop pur, qui n’était pas fait pour notre monde et que la mort lui a bientôt ravi. Il est resté chargé de l’éducation d’une fille dont la naissance a coûté la vie à sa mère. Il a choyé l’enfant, admiré comme elle grandissait en grâce et en sagesse. Quelle douleur nouvelle l’attend pour le jour où il faudra la marier ! Mais la vocation religieuse appelle la jeune fille. En se consacrant à Dieu, cette dernière descendante d’une race de croyans achève et parfait les mérites de tous ceux qui l’ont précédée. Cela même est le sens du livre, et c’est la doctrine qui s’exprime dans ce mot : ascension. Et comme il faut que les choses d’ici-bas, pour avoir toute leur beauté, soient consacrées par le sacrifice, les politiciens anticléricaux interviennent à propos : la congrégation enseignante, dont fait partie la jeune religieuse, est expulsée. Ainsi se termine, par un dénouement de polémique, cette longue méditation. Car il faut lui restituer son véritable caractère et l’appeler par son nom. Ceux qui chercheraient dans Ascension un roman à proprement parler, risqueraient d’être déçus. Le récit n’y a guère de mouvement, et les personnages y restent quasiment impalpables. Imaginez plutôt une de ces conversations sur les choses de la vie et de l’autre vie comme pouvaient en avoir les Messieurs de Port-Royal. C’est le même ton de gravité et d’élévation. Si Nicole eût fait des romans, il aurait pu écrire Ascension.

Il n’aurait sûrement pas écrit Repentir, qui est, celui-là, un roman, romanesque, dramatique, mélodramatique, et dont j’ai à peine besoin de dire que je le goûte peu. Mais n’ai-je pas déjà trop parlé du prosateur, puisque c’est parmi les poètes que Ch. de Pomairols a sa juste place ? Et n’est-il pas temps de montrer, par quelques exemples, ce que fut ce bon poète de la terre. ? D’autres ont chanté les émotions de l’A me au milieu de la Nature, et associé aux aspects du paysage leurs tristesses et