Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 31.djvu/907

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Liège l’a irrémédiablement compromise en faisant perdre près de trois semaines à l’armée impériale. Celles de la Marne, de l’Yser et d’Ypres en ont définitivement marqué l’échec.

Quoi qu’il en soit, un doute léger subsistait encore le 3 août 1914 sur ce que ferait réellement l’Allemagne, puisqu’elle n’avait pas encore violé effectivement notre territoire, et ce doute, dans leur volonté d’être honnêtes jusqu’au bout, parut aux ministres belges être un obstacle suffisant pour les empêcher d’appeler à l’aide, ce jour-là, les armées des autres Puissances garantes de notre neutralité et de notre indépendance[1].


Le 4 août, à six heures du matin, M. de Below-Saleske vint remettre à M. Davignon une note[2] qui mit fin à toute incertitude chez ceux qui pouvaient espérer encore… Elle faisait savoir au gouvernement belge que l’Allemagne, par suite du refus de la Belgique d’accepter les propositions « bien intentionnées » qui avaient été faites, se verrait forcée d’exécuter, au besoin par la force des armes, les mesures de sécurité qu’elle jugeait indispensables vis-à-vis des « menées françaises. »

A neuf heures et demie du matin, un télégramme nous annonça que le territoire belge avait été violé par les troupes allemandes à Gemmenich[3] ; ce village est tout proche de la frontière, à quelques kilomètres d’Aix-la-Chapelle. Il touche vers le Nord au Limbourg néerlandais. Les premiers coups de feu de la guerre avaient été tirés par les gendarmes belges de garde à ce poste frontière ! Le sang avait coulé, l’irrémédiable était accompli…

La veille, le Roi avait fait convoquer les Chambres législatives pour ce 4 août, à dix heures. Malgré le peu de temps qu’avait eu la nouvelle pour se répandre, et en dépit de l’heure matinale, une foule compacte remplissait les rues en bordure

  1. Il convient de rappeler qu’à l’heure où les ministres délibéraient, l’Allemagne n’était officiellement en état de guerre ni avec la France, ni avec la Grande-Bretagne. Sa déclaration de guerre à la France fut remise à Paris par le baron de Schœn le 3 août, à six heures quarante-cinq du soir (Livre Jaune, n° 147). Celle de l’Angleterre à l’Allemagne fut notifiée le 4 août, à onze heures du soir (Premier Livre Gris, n° 41).
  2. Premier Livre Gris, n° 27.
  3. Le premier passage de la frontière par l’avant-garde allemande s’est produit exactement à huit heures deux minutes du matin, le 4 août.