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LA NUIT DU 2 AU 3 AOÛT 1914
AU
MINISTÊRE DES AFFAIRES ÈTRANGÊRES DE BELGIQUE

Le 23 juillet 1914, l’ultimatum de l’Autricho-Hongrie à la Serbie éclata comme un coup de foudre dans le ciel de l’Europe qui avait paru se rasséréner pendant le mois écoulé depuis le drame de Serajewo. A partir de ce moment, l’angoisse régna dans les chancelleries de tous les États menacés par l’imminente catastrophe. A Bruxelles, elle fut vive, car nous savions que, si les crises politiques des dernières années n’avaient pas amené de guerre entre les grandes Puissances européennes, il s’en était plus d’une fois fallu de très peu, et nous nous rendîmes compte tout de suite de la gravité du danger de conflagration générale que venait brusquement révéler la note autrichienne à la Serbie. Les Empires du Centre voulaient la guerre, puisqu’ils posaient aux gouvernans de Belgrade des conditions inacceptables pour un peuple indépendant et fier, et puisqu’il était certain d’autre part que la Russie serait moralement forcée de soutenir la résistance de la Serbie. L’entente entre Berlin et Vienne sur les termes de la note ne nous sembla pas un moment douteuse. Les rapports du baron Beyens et du comte de Dudzeele, nos ministres à Berlin et à Vienne, ne nous permirent guère d’illusions à cet égard. Il devenait évident, du moins infiniment probable, que l’occasion paraissait bonne à l’Allemagne et à