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beaucoup plus difficiles, privées qu’elles sont de l’appui matériel des neutres. Ces neutres, en effet, sont maintenant derrière nous et non plus devant. Nous nous interposons entre eux et l’adversaire. Comment celui-ci pourra-t-il faire passer des mines à tel « cargo » d’aspect pacifique qui charge des bois dans un port de Norvège ou du minerai dans un port de Suède ? Il lui restera, dira-t-on, ses submersibles. Sans doute, mais ceux-ci seront confinés dans la Baltique, en attendant, ce qui ne tardera guère, qu’on les bloqué dans les ports d’où ils débouchent en disposant devant ces havres des filets et des mines spéciales, défendus par les escadrilles des bâtimens légers.

Il se peut, objectera-t-on encore. Mais il reste à démontrer que le forcement des détroits danois, compliqué de l’occlusion du fjord de Kiel, est une opération pratiquement réalisable. Il serait bon de dire aussi comment on dissiperait les appréhensions de la Grande-Bretagne au sujet des conséquences lointaines des pertes que subiraient ses Home fleets au cours de ces passages de vive force et de ces blocus rapprochés. N’est-ce point alors que, même victorieuse et tenant la côte allemande sous son étreinte, « l’Angleterre pourrait se trouver en état d’infériorité vis-à-vis de la tierce Puissance » que ne désigne pas expressément la lettre du premier lord de l’Amirauté ?

Voilà des questions délicates. Je n’aurais probablement pas licence d’y répondre d’une manière complète. Toutefois, on peut être assuré que l’espoir du succès dans les opérations auxquelles je viens de faire allusion n’a rien de chimérique et, pour ma part, je suis certain qu’à Londres les plans d’attaque du camp retranché maritime allemand de la Baltique, la Kieler bucht, ont été depuis longtemps arrêtés, tandis qu’à Rosyth, les belles escadres britanniques sont toutes prêtes à en poursuivre Inexécution, — et avec quelle vaillante, quelle joyeuse allégresse, après une si pénible inaction !…

Mais les appréhensions au sujet de l’attitude ultérieure des États-Unis ? — Ici encore, la réserve s’impose. Je pourrais d’ailleurs me contenter de rappeler ce que je disais plus haut de la balance des forces navales après qu’Anglais et Allemands en seront venus aux mains dans une rencontre décisive. Mais j’ajoute qu’il n’est pas interdit de rechercher par d’habiles négociations — où la France, affirment les gens avertis, pourrait