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submersible qui émerge, il est très difficile de reconnaître si le paquebot marche ou s’il est immobile ? Et que sera-ce, quand ce paquebot, armé comme ils le sont ou vont l’être aujourd’hui, aura rendu d’abord coup pour coup à l’assaillant ? Voit-on celui-ci, — un Allemand !… — attendre avec patience, pour continuer son feu, d’être bien certain que sa victime, décidément résignée à son sort, ait renoncé à faire usage de ses canons ? Cela n’est ni militaire, ni marin. De telles clauses restent forcément lettre morte.

En sera-t-il autant des dispositions que le gouvernement américain annonce au sujet, précisément, des paquebots armés exclusivement pour leur défense, à qui on prétend refuser l’entrée des ports de l’Union, à moins qu’ils ne se soumettent aux conditions qui visent les navires de guerre, — autant dire à moins qu’ils ne consentent à l’éventualité d’une expulsion sans avoir pu débarquer leur chargement ou en embarquer un nouveau ?

Remarquons qu’il ne peut être question ici que des navires marchands des Puissances alliées, ceux des empires du Centre ayant disparu des mers. Remarquons aussi que nous ne nous sommes résolus à pourvoir nos paquebots et grands cargo-boats de quelques canons légers, utilisables seulement contre les sous-marins, que lorsque nous avons eu la surabondante certitude que nos ennemis étaient décidés à tout couler sans avertissement préalable ; de sorte que l’on ne pourrait, en bonne justice, nous demander de renoncer à des mesures de protection si légitimes et depuis si longtemps attendues que dans le cas où les gouvernemens allemand et autrichien accepteraient loyalement, sans arrière-pensée, les articles de la convention proposée par le Cabinet de Washington articles dont l’exécution stricte aurait pour conséquence, — on vient de le voir, — de paralyser complètement les opérations des sous-marins contre les navires de commerce. M. le président Wilson est-il disposé, dans de telles conditions, à se porter garant de la bonne foi de la Wilhelmstrasse et du Ballplatz si, d’aventure, les deux empires acceptaient la convention dont il s’agit ? Je ne le pense pas. Et alors ?…

On voit ainsi où peut conduire, même chez les meilleurs esprits, le souci de tenir la balance égale entre deux groupes de belligérans, quand ce souci, d’ordre purement politique et circonstanciel, se substitue à la seule préoccupation digne d’une