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de ses garanties habituelles, mais renforcée par la tutelle sociale, qu'on entend pourvoir à l'éducation des enfans sans parens. N'ayant plus de rôle exceptionnel, les œuvres ne sauraient être privées de la liberté commune ; il serait au moins singulier de les traiter en suspectes, par cela seul qu'elles offrent leur patronage aux pupilles de la patrie.


La comparaison des deux projets, celui qui porte la signature des ministres, et celui que la commission s'apprête à y substituer justifie-t-elle nos appréhensions ? Le lecteur en jugera.

Nous n'avons accueilli qu'avec une extrême défiance l'indication, publiée par les journaux, d'une adhésion du nouveau ministère aux conceptions de la commission sénatoriale. Pourquoi se hâter de la sorte, et quelle urgence y a-t-il ? Une réforme qui touche à nos institutions familiales peut-elle être bienfaisante sans avoir été mûrement réfléchie, et si l'on n'est certain d'avance de l'assentiment presque universel ?

C'est dans cet ordre de questions que le législateur manque le plus gravement à son devoir s'il oublie que son rôle n'est pas d'imposer ses désirs et ses volontés à la nation, mais d'être l'interprète des désirs et des volontés de la nation.

Le projet du gouvernement peut être assurément taxé de timidité. On ne saurait répondre qu'il procurera tout le bien qu'on en voudrait attendre. Il a du moins le mérite de ne pas heurter nos habitudes plusieurs fois séculaires et de respecter nos traditions. Nul n'y peut voir une entreprise déguisée contre la conscience des familles, une mainmise des partis politiques sur l'éducation des orphelins de la guerre.

Les auteurs ou les inspirateurs du projet sénatorial n'ont-ils pas aperçu qu'on ne manquerait pas de leur adresser un tel reproche, alors même que leurs intentions ne l'auraient pas mérité ?


H., BERTHELEMY.