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LE NOUVEAU BLOCUS

Ce fut pour les Anglais et pour leurs Alliés une pénible découverte lorsque, vers le 15 janvier, parurent des statistiques américaines qui prouvaient l’inefficacité du blocus de l’Allemagne en montrant que celle-ci n’avait cessé d’être ravitaillée par les neutres du Nord, — Hollandais et Scandinaves, — assez largement pour qu’elle fût en mesure de soutenir longtemps encore la lutte.

Pour tout dire, la surprise n’avait pas été générale. Beaucoup d’observateurs attentifs déduisaient, depuis quelques mois déjà, de certains faits qui parvenaient à la connaissance du public, la fâcheuse conséquence que l’on s’abusait sur les effets de l’ « étouffement économique » de l’ennemi. Ceux d’entre eux que rien n’inclinait, dans une crise si grave, à faire abstraction des suggestions de leur expérience, des leçons de l’histoire, — celle du « blocus continental, » par exemple, — et de leur connaissance du cœur humain, s’étaient même persuadés, dès le début de la lutte d’usure, que, chez les neutres limitrophes de l’Empire allemand, les intérêts surexcités à l’extrême mettraient tout en œuvre pour se satisfaire. Il était bien clair que, cédant à l’appât de gains considérables, une foule de sujets de ces petits États allaient s’entremettre avec ardeur, avec habileté aussi, malheureusement, en vue de procurer à l’Allemagne tout ce qui lui était indispensable pour continuer « sa guerre. » S’imaginer d’ailleurs que le scrupule de se rendre indirectement complices des actes cruels systématiquement accomplis par nos adversaires pourrait arrêter des