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communièrent. Retourné du côté de l’autel, le Père prononça, lui aussi, ses vœux d’une voix distincte ; puis il se communia. » Après quoi, ils descendirent le versant opposé de la colline et firent un frugal repas au bord de la fontaine Saint-Denis, dont l’eau avait la réputation de guérir les fièvres. Mais ils avaient une fièvre qu’aucune onde ne guérit. Une dizaine d’années plus tard, d’autres jeunes gens, formant une autre pléiade, iront, eux aussi, s’asseoir près des sources et des fontaines. Leurs bruyantes agapes y ramèneront les nymphes. Pourtant, ils ne seront pas plus enthousiastes que ceux-ci, et toutes les jouissances que la vie leur promet ne les raviront pas plus que l’idée des épreuves où il court ne ravit ce petit groupe à la joie tranquille et aux vêtemens sombres.

L’année suivante, Ignace tomba malade, et on lui ordonna un changement d’air. Il partit pour l’Espagne. François, Lainez et Salmeron, qui préféraient ne pas s’exposer aux récriminations de leurs parens, le chargèrent d’y régler leurs affaires de famille. Mais il ne partit qu’après avoir satisfait aux curiosités de l’Inquisition que leurs apparences secrètes et leurs conciliabules avaient éveillées ; et il se fit délivrer, par-devant notaire, une attestation d’innocence signée de l’inquisiteur. De mauvais bruits, qu’il nous est impossible de préciser, s’étaient évidemment répandus sur leur compte et propagés jusqu’en Espagne. La lettre d’introduction près de son frère, que François remettait à Ignace, parle des plaintes qui lui seraient venues là-bas à son sujet et qui l’aurait profondément peiné. « Les méchans auteurs de ces rapports, dit-il, je ne les connais pas. » Nous ignorons quel accueil son fondé de pouvoirs reçut au château d’Ovanos, près de Pampelune, où résidait alors le seigneur Juan d’Azpilcueta, s’il dissipa ses préventions et s’il obtint les secours pécuniaires que sollicitait le jeune homme. Toujours est-il qu’après le passage d’Ignace, ses frères lui annoncèrent l’envoi de ces lettres testimoniales de noblesse qu’il leur avait réclamées quatre ans plus tôt. Le Père Gros et le Père Brou voient dans cet acte tardif un effort pour le retenir. Bien que nous soyons en Espagne, dans le pays de l’éternel mañana (à demain ! ) l’hypothèse est très vraisemblable, et d’autant plus que le même messager apportait à François sa nomination à une stalle de chanoine, au chapitre de Pampelune. Il joignit à ses remerciemens sa démission. Les bons chanoines de