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Il a retrouvé l’homme et l’âme et la source de la poésie. Mais il a des élèves qui se scandalisent qu’un professeur ne lise pas dans un gros livre tout chargé de gloses marginales. Il s’impatiente, et, au bout de trois ans, il s’en va plein d’aigreur. Il n’avait pas l’amour de son métier comme Mathurin Cordier qui professe à la fois au collège de Sainte-Barbe et au collège de la Marche, et qui renouvelle complètement les méthodes des classes élémentaires. Cordier apprenait aux enfans à penser en latin et faisait pénétrer dans les jeunes esprits l’esprit de la Renaissance. Là où il avait passé, les bonnes Lettres fleurissaient. Calvin, son ancien élève, lui dédia son commentaire de l’Epître aux Thessaloniciens, voulant porter témoignage devant la postérité, « afin qu’elle sût que tous ses progrès ultérieurs dérivaient de son enseignement et que, s’il avait quelques mérites dans ses écrits, ils venaient en partie de lui. » Vers 1528, il obtint la chaire de théologie au collège de Navarre ; mais ce n’était point son fait. Il retourna à la grammaire et aux enfans qu’il avait également étudiés et qu’il aimait également. Pendant que Guillaume Postel sollicitait à Rome la faveur d’entrer dans la Compagnie de Jésus, il errait de Nevers à Bordeaux, de Bordeaux en Suisse, et, converti aux idées de son ancien élève, venait enfin enseigner la sixième à Genève, où il mourut.

Autour de ces professeurs, dont peu d’établissemens scolaires peuvent se flatter d’avoir réuni les pareils, la ville s’agitait et bruissait. Dans ce même laps de temps se succèdent les événemens les plus graves ou les plus significatifs, en tout cas les plus propres à surexciter les âmes : la captivité du Roi et le royaume en deuil, sa maladie à Valence où il est désespéré des médecins et sa guérison miraculeuse, puis sa délivrance, son retour ; ses alternatives d’indulgence et de rigueur devant les audaces de l’humanisme et de la secte luthérienne « qui pullule ; » ses conflits avec la Faculté de théologie ; l’arrestation de Berquin relâché sur ses ordres, mais ressaisi par elle, déclaré rechu au crime d’hérésie et finalement brûlé dans la place de Grève ; la condamnation des Colloques d’Erasme que l’on mettait entre les mains des élèves ; le nombre croissant des sacrilèges, la statue de Notre-Dame, « au coin de la rue des Rosiers, près du petit Saint-Antoine, » brisée, poignardée ; la souillure d’une image de la Vierge « peinte en la paroi d’une maison proche de l’Eglise Sainte-Merry ; » l’affiche des placards