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elles les dépassent beaucoup en habileté et valeur proprement militaires : mais quant à manquer de malice, je ne crois pas qu’on le puisse jamais plus entièrement que ces officiers d’une candeur enfantine, appelés à combattre des frères pervertis et dégénérés qui n’ont point d’autre pensée au monde que de les tromper.

Veut-on savoir, par exemple, de quelle manière un digne assistant du colonel Maritz, le commandant Wessel Wessels, a réussi à prendre possession de la place forte de Harrismith ? « Il a envoyé, d’un bureau de télégraphe voisin, un message au commandant de Harrismith, message qui prétendait venir du général Smuts, ministre de la Défense nationale. Celui-ci, dans le faux document, complimentait la garnison de Harrismith de sa superbe résistance aux assauts des rebelles, et lui annonçait que le commandant Wessel Wessels allait venir avec un commando pour renforcer cette garnison. Il espérait qu’il n’y aurait point de mésentente entre les deux officiers, mais ajoutait que l’autorité suprême devrait désormais appartenir au commandant Wessels. Le stratagème eut un succès merveilleux. Ordre fut donné de laisser entrer librement les troupes de renfort annoncées, si bien que le commandant rebelle et ses hommes pénétrèrent dans la ville avec des éclats de rire et des cris de joie où les gardes des portes virent, naïvement, l’expression du plaisir que causait à ces patriotes l’idée du précieux renfort apporté par eux à la garnison. »


Ai-je besoin d’ajouter que, sitôt entrés à Harrismith, les rebelles s’y livrèrent à un pillage effréné ? « Ils s’abattirent comme des sauterelles sur la malheureuse ville, — nous raconte l’un des habitans de celle-ci. — Un saccage systématique de tous les magasins de provisions, publics ou privés, commença, et il n’y eut pas non plus, dans la ville, un cheval ou un mulet qui ne nous fût volé ! » Lorsque, après douze jours d’un véritable régime de terreur, les rebelles s’éloignèrent de Harrismith, — ayant appris qu’une troupe « loyaliste » allait y arriver, — ils emportèrent avec soi de nombreux chariots d’armes, de vivres, et même de meubles, dérobés aux maisons des pacifiques bourgeois de la ville.

Le fait est que tous ces rebelles avaient aussi le génie du pillage, et que, par-là encore, le récit de leurs exploits nous rappelle étrangement ceux de l’entrée des Allemands en Belgique ou dans nos villes de l’Est. Au Transvaal tout à fait comme en Lorraine, nous assistons à un relevé « systématique » du contenu des maisons privées : après quoi officiers et soldats emportent sur des « chariots »