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désormais le double jeu qu’il jouait depuis quinze jours à l’endroit du Gouvernement, résolut de proclamer expressément sa rébellion. A la grande surprise d’un certain nombre des hommes de son régiment, il leur fit savoir que l’ennemi contre lequel il les conduisait n’était pas l’Allemand, mais bien l’Anglais. Puis, comme l’attitude de ses mitrailleurs, en particulier, lui avait semblé quelque peu inquiétante, il imagina d’ordonner une revue, pendant laquelle les susdits mitrailleurs se virent soudain entourés, désarmés et remplacés auprès de leurs pièces par d’autres hommes plus sûrs. Et le plus curieux, — j’allais dire : le plus « allemand, » — dans toute l’aventure, était que toujours le « loyal » colonel s’amusait à justifier les divers actes de traîtrise qu’il commettait en lisant aux soldats de prétendues dépêches du général Botha ou du général Smuts !

Vers le milieu d’octobre, l’élève et complice du général Beyers reçut l’avis qu’un de ses collègues, le colonel Brits, venait d’être nommé en son lieu. Il répondit qu’il « ne voyait aucune objection à remettre son commandement entre les mains du colonel Brits, mais demandait seulement que celui-ci lui apportât l’acte officiel de sa révocation. » Il attendrait donc son successeur le lendemain, dans son camp de Van Rooisvlei. Et lorsque, le lendemain, il vit arriver dans son camp, non pas en vérité le colonel Brits lui-même, mais son délégué le major Bouwer, il se hâta de signifier à celui-ci qu’il allait le garder comme prisonnier, ainsi que tous les membres de l’escorte qui l’accompagnait !

Le major Bouwer allait d’ailleurs être bientôt relâché, moyennant sa promesse de transmettre au Gouvernement un ultimatum suivant lequel, si tous les autres chefs de la rébellion n’étaient pas autorisés à rejoindre librement le colonel Maritz avant un délai de trois jours, une armée considérable attaquerait et détruirait aussitôt toutes les places fortes de la région. Et ceci nous montre la maîtrise accomplie du jeune colonel boer dans cet autre procédé familier de la nouvelle stratégie allemande que nous avons coutume d’appeler le bluff. Car non seulement l’armée dont disposait alors Maritz ne comptait guère plus de 500 hommes : il faut voir, en outre, avec quelle complaisance l’officier « germanisé » a étalé devant les yeux du major les preuves les mieux faites pour le persuader de l’invincibilité de ses armes. « Il exigea que le major Bouwer constatât par soi-même qu’il possédait des howitzers, des balles dum-dum, et maints autres moyens d’agression également fournis par les Allemands, — en même temps que ceux-ci lui conféraient le rang d’un général de leur propre armée. Il