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physionomie du plus austère des accoutremens. Les veuves portent sur le visage une sorte de masque qui laisse juste assez de place à la vue pour qu’elles puissent se conduire.

Un chemin charmant courant au pied des monts nous conduit, le lendemain, de Sulmona à Aquila. Dans la petite ville de Popoli, nous visitons quelques beaux restes d’un palais médiéval. Nous nous détournons plus loin jusqu’au village d’Asserghi pour contempler les assises formidables du Gran Sasso d’Italia. Ce géant de l’Apennin, massif colossal dont les cimes couvertes de neiges éternelles couvrent une immense superficie, présente les plus merveilleux aspects. Il ne le cède point en fait de beautés sublimes aux plus renommés sommets des Alpes. — Aujourd’hui, hélas ! de lourdes nuées nous en dérobent la cime.

Aquila, capitale des Abruzzes, est maintenant une préfecture du royaume d’Italie. C’est une ville très ancienne dans laquelle nos rois Louis XII et Charles VIII ont frappé monnaie, comme du reste à Sulmona et à Chieti. L’hôtel, sur le Corso, est bruyant, malpropre, encombré d’officiers qui y ont leur logement. Nous visitons de charmantes églises. J’ai conservé le souvenir de deux d’entre elles : une toute petite, hors ville, près du cimetière, avec de délicieux monumens de la Renaissance, et une autre sous le vocable de Saint-Bernardin de Sienne, avec une extraordinaire et immense façade carrée, prodigieusement ornée, qu’on n’oublie plus quand on l’a vue. Le soir, quelques étudians parcourent le Corso aux cris d’Abbasso l’Austria ! C’était déjà une forme très usitée pour saluer l’alliée d’alors de la Triplice.

D’Aquila, nous franchissons l’Apennin par la plus belle route de montagne, magnifiquement établie par le gouvernement royal. Tout le long des pentes dénudées, des essais de reboisement sont tentés avec succès, semble-t-il. La voie est presque déserte, et nous filons vivement. Nous ne rencontrons pas un automobile. Nous n’en rencontrerons pas dix dans tout notre voyage. Arrêt à Teramo pour déjeuner et visiter un très beau dôme au portique d’aspect sauvage du XIIe siècle.

La distance de Teramo à Ascoli, où nous devons passer la nuit, est courte. Nous traversons Campli et Civitella del Tronto. Ascoli, grande et belle cité, propre et bien tenue, possède aussi d’imposantes églises. L’hôtel de ville, avec sa belle façade du