Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 31.djvu/631

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Etats-Unis, sur la question chinoise, ont, de 1894 à 1905, puis de 1907 à 1915, défini et consacré de telle façon la situation extérieure du Japon, que sa mission et son rôle apparaissaient désormais aussi clairement pour le monde que pour lui-même. Le Japon, outre qu’il s’était par sa révolution et restauration intérieure préparé à la grande tache qu’il avait à accomplir, était reconnu comme la Puissance prépondérante de l’Asie et entrait dans la compagnie des grandes Puissances de l’univers.

A la date de 1905 qui est celle de son dernier livré, Okakura écrivait que tout progrès fait par le Japon dans la confiance, dans la foi en lui-même, doit être une puissante exhortation à demeurer fidèle à son idéal national. Deux ans avant, en 1903, dans son livre sur les « Idéaux de l’Orient, » il avait écrit que « la mission du Japon n’est pas seulement de revenir à son propre et ancien idéal, mais aussi de sentir et de ranimer la vie dormante de la vieille unité de l’Asie. » C’est le programme avant tout asiatique qu’il proposait à son pays, tant en politique qu’en art. Et, depuis 1905, le Japon s’est en effet efforcé, tout en achevant son œuvre nationale, en développant ses ressources, en complétant son instruction, de resserrer ses liens avec les autres peuples de l’Asie, avec la Chine, avec le Siam, avec l’Inde, avec la Turquie elle-même. Il avait conscience d’être devenu, à son tour, la lumière de l’Orient et de devoir communiquer ses reflets ç toutes les races de même culture.

Le Japon s’est, à ce moment historique, dédié au rôle qui lui était ainsi assigné. Le gouvernement de Tokyo était tout disposé, si les ministres chinois y eussent mis un peu de bonne volonté, à entretenir des relations plus intimes avec la Chine. Des sociétés étaient créées pour mettre en rapport les lettrés, les journalistes, les hommes d’affaires des deux pays. Quelques années plus tard, des tentatives furent faites pour la fondation de sociétés industrielles et financières. Avec la Turquie, dont le Sultan avait, pendant la dernière guerre, envoyé une ambassade de félicitations au Mikado, il fut question d’établir des relations diplomatiques permanentes. L’essai n’échoua que parce que le gouvernement ottoman voulut, au préalable, obtenir du Japon la renonciation au régime des capitulations qu’il n’appartenait pas au Japon de modifier ou de prescrire. Tokyo était devenu, dans l’intervalle, la ville de civilisation et de lumière où les étudians des diverses contrées d’Asie désiraient se rendre