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exquise perfection certaines spécialités du raffinement japonais, la cérémonie du thé (chanoyu) que les initiés considèrent comme l’accomplissement d’un rite tout ensemble artistique et religieux, l’art des jardins, l’arrangement des fleurs.

La période des deux grands chefs militaires, Nobunaga et Taiko Hideyoshi, et du fondateur du shogunat des Tokugawa qui, à travers maints combats, et d’une main de fer, forgèrent l’unité du Japon, est, en somme, la chaîne de partage, la crête de séparation entre le Japon médiéval et le Japon moderne. — Si Hideyoshi, dans un rêve démesuré, entreprit l’expédition de Corée qui n’était pour lui que la préface de la conquête de la Chine, son principal objet, l’unité du Japon, était déjà atteint, et Iyeyasu allait, après lui, imposer à l’Empire ce régime de réclusion et de paix qui dura deux siècles et demi. — C’est une période de force, de domination et, en même temps, de magnificence, de luxe, d’éclat. L’architecture des puissans palais de pierre, construits par Hideyoshi et Iyeyasu à Osaka et à Momoyama, avait le caractère, militaire tout ensemble et monarchique, de forteresses qui seraient en même temps des Versailles. La décoration intérieure en était d’une grande richesse. C’est, comme en témoignent encore le palais de Nijo à Kyoto, les temples de Nikko, et, à Tokyo même, ceux des parcs de Shiba et de Uyeno, la date des grands paravens de tigres et de lions à fond d’or, des bois sculptés et peints représentant des oiseaux et des fleurs. — Nobunaga et Hideyoshi avaient, comme les Ashikaga, leurs peintres : Kano Shoyei, qui décora le palais de Nijo et fut le chef de la grande Académie Kano, fondée par son père Motonobu ; Kano Yeitoku, qui décora les palais de Hideyoshi en prodiguant la feuille d’or, le laque, le pourpre, le bleu, le vert, l’orange, et qui peignit les grands panneaux et le plafond de la salle principale du temple du Nishi Hongwanji à Kyoto.

Iyeyasu et les Tokugawa, en reprenant, ou mieux en se faisant octroyer par les Empereurs le titre de shoguns qu’avaient eu les Ashikaga, ont su, sans heurter de front la forme encore féodale du Japon, la plier, par un habile système de mutuel contrôle et de dépendance alternante, à l’unité monarchique. A l’ancienne bureaucratie impériale et à l’aristocratie des précédens shogunats, ils ont substitué une ingénieuse hiérarchie dont l’Empereur, le Mikado, est le sommet, dont les degrés,