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nouvelle, la civilisation occidentale, presque subitement apparue, et tout en lui empruntant tout ce qu’il en pouvait tirer d’utile, rester lui-même, se retremper davantage aux sources nationales, et, d’autre part, se retourner de nouveau vers l’Asie continentale pour y ranimer l’unité perdue de l’Asie. — à y a un autre et dernier aspect de la mission du Japon qu’Okakura, à cause sans doute de la date où il écrivait et de ses doctrines personnelles, était peu enclin à considérer, que d’autres, parmi ses compatriotes, ont perçu et accepté, et que je me réserve d’indiquer. Mais, et cette réserve faite, jamais regard plus lumineux et plus profond n’a été jeté sur le passé et le présent de cette race, de cette nation qui, après s’être assimilé, après avoir concentré en elle toute la culture d’Asie, s’est élevée en quelques années, et tout en restant fidèle à son idéal asiatique, au rang d’une des grandes Puissances de ce monde.


III

Okakura qui avait, dans les premiers chapitres de ses « Idéaux » de l’Orient cherché à marquer, du vie aux XIIIe et XIVe siècles, les relations et correspondances entre l’Inde, la Chine, le Japon, a, dans les chapitres suivans, du XVe siècle jusqu’à l’ère contemporaine de la Révolution et de la Restauration (Meiji), très finement analysé les caractères de ces périodes successives d’histoire, de culture et d’art.

La période Ashikaga (1400-1600), ainsi nommée de la branche des Minamoto qui succéda aux shoguns de Kamakura et transféra la capitale shogunale à Kyoto même, siège de la Cour impériale, est une des plus intéressantes, la plus originale peut-être de l’histoire du Japon. — Les premiers shoguns de cette famille des Ashikaga, ceux qui ramenèrent leur capitale à Kyoto, avaient déjà ce sens, cet instinct de la centralisation nécessaire, d’un pouvoir plus uni et plus fort, dont s’inspirèrent après eux les deux grands chefs militaires, Nobunaga et Taiko Hideyoshi, puis Iyeyasu, le fondateur du shogunat des Tokugawa. Ils étaient en même temps pénétrés de l’esprit de la nouvelle secte bouddhiste, la secte Zen, de cette espèce de mysticisme stoïque qui en est l’âme. Ils furent des chefs politiques tout ensemble et des moines. Les plus grands d’entre eux, Yoshimitsu (1368-1408) et Yoshimasa (1449-1472), avaient