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commencèrent. Sur certains points une résistance s’organisa. A Van, les Arméniens, apprenant l’approche des colonnes turques qui brûlaient les villages et tuaient les habitans, s’armèrent et tinrent bravement en échec les troupes jusqu’à l’arrivée des Russes. Après quelques jours d’occupation, les Russes ayant dû battre en retraite, toute la population émigra avec eux : 250 000 âmes se réfugièrent autour d’Etchmiatzin où les Arméniens du Caucase et les Russes leur vinrent en aide. — Dans la montagne, quelques bandes armées tinrent la campagne. A Zeïtoun, à Mouch, à Sassoun, à Chabin-Karahissar, une résistance désespérée s’organisa. Chabin-Karahissar tint plus de trois mois. Les montagnards du Zeïtoun détruisirent plusieurs bataillons turcs. C’est là que le consul d’Allemagne à Alep se distingua : de concert avec les autorités turques et avec l’évêque arménien qui eut confiance en lui, il entama des pourparlers avec les Zeïtouniotes, il leur représenta que leur résistance pouvait amener des représailles contre tous les Arméniens et leur promit la vie sauve s’ils consentaient à déposer les armes. Les montagnards crurent à sa parole européenne, descendirent de leurs forts : quelques jours après, hommes, femmes et enfans étaient massacrés. — Dans le massif du Djebel Mousa, au Nord d’Antioche, les montagnards se défendirent héroïquement ; à bout de vivres et de munitions, ils allaient succomber, quand ils furent aperçus par des croiseurs français qui les recueillirent au nombre de plus de 4 000 et les transportèrent en Égypte. — Partout ces résistances locales, légitime défense d’hommes qui se savaient voués à la mort, furent noyées dans le sang ; de décembre 1914 à mars 1915, des centaines de villages furent détruits, principalement dans la région frontière turco-russe et turco-persane ; toute sorte d’atrocités furent commises sous les yeux et avec le consentement des officiers allemands.

Il est, ici, très difficile d’établir exactement les responsabilités. Le premier massacre est-il antérieur à la première résistance, ou inversement, il est malaisé de le savoir. Les deux séries de faits sont si étroitement liées ; ils ont été, les uns et les autres, si spontanés, dans la malheureuse Arménie, que l’histoire ne saurait les séparer. Peu importe, du reste. Depuis vingt siècles il y a toujours, dans ce pays, des Kurdes et des Turcs qui assassinent, pillent et violent, et des Arméniens qui, à de