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REVUE SCIENTIFIQUE

À PROPOS DE LA SCIENCE ALLEMANDE

Le fait que la guerre actuelle est surtout une guerre scientifique n’est plus aujourd’hui contesté par personne. Mais de ce fait diverses personnes ont tiré des conclusions fort différentes selon qu’elles sont d’un côté ou de l’autre de la barricade… J’entends par-là la vieille barricade qui sépare, depuis qu’il y a des hommes et qui ratiocinent, les disciplines sentimentales des réalistes. Cette précision n’est pas inutile et c’est regrettable, car il ne devrait point y avoir aujourd’hui d’autre barricade que cette mince faille frangée de fils barbelés, qui, de la mer du Nord à la Suisse, est la marge sanglante de nos espoirs.

Une chose pourtant est faite pour nous consoler, c’est que ces polémiques d’avant-guerre sont exclusivement le fait de gens qui n’ont point fait la guerre et ne la connaissent point. Les combattans, eux, ont mieux à faire que de disputer sur des controverses métaphysiques. Ils laissent cela aux moins privilégiés qu’eux, dont l’héroïsme est surtout typographique, à ceux qui lancent bravement chaque jour à l’assaut du Boche les colonnes des gazettes, toutes hérissées des baïonnettes étincelantes de l’invective et des liquides enflammés de leur encrier. Au temps où les écritoires ne contenaient que des plumes d’oie, le cliquetis batailleur de toute cette éloquence scripturale eût évoqué l’image auguste du Capitole. Mais les plumes sont devenues métalliques, et c’est pourquoi tant d’aèdes bardés d’épithètes seront après