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franco-anglais. Les Espagnols se sont souvenus de tout ce que le capital français, au cours du xixe siècle, a fait pour le développement de la péninsule. La Revue la Actualidad financiera rappelait que, lors de la guerre cubaine, en 1898, la France avait avancé au ministère d’Ultramar les sommes nécessaires au prompt envoi de la flotte et des troupes à la Havane : grâce à cette amicale intervention, faite aux conditions les plus modérées, la prime du change sur France, qui était montée un moment à 110, enlevant ainsi à la peseta espagnole plus de la moitié de sa valeur, était retombée à 70. Nos voisins n’ont pas oublié ces événemens ; ils y ont vu une raison de plus, pour s’associer au grand mouvement de souscription à l’emprunt français de 1915.

Le capital souscrit atteint 14 milliards et demi de francs : il a été fourni, jusqu’à concurrence de 5 milliards et demi, par des espèces, et de 2 milliards et demi par des Bons de la Défense nationale. Il convient d’ailleurs de compter les souscriptions faites en Bons comme équivalentes à des souscriptions en numéraire : si en effet les Bons n’avaient pas été employés à cet objet, ils n’eussent pas tardé à être présentés, à l’échéance, au Trésor qui aurait eu à débourser une somme égale. Le reste a été couvert par des obligations décennales et de la rente 3 pour 100 apportée à la conversion.

Dans la majeure partie des cas, le montant total a été versé au moment même de l’émission : jamais encore une proportion semblable de titres n’avait été libérée à la souscription d’aucun emprunt. À ces divers points de vue, quantité du capital mis à la disposition du Trésor, qualité des souscriptions, multiplicité des parties prenantes, il est permis de dire que c’est un succès sans précédent. Il est encore plus remarquable, si l’on considère que nos départemens les plus riches du Nord et de l’Est sont encore occupés par l’ennemi, que le pays est troublé dans ses moyens de production, que beaucoup de Français ne peuvent disposer de leurs créances, tels que les propriétaires qui n’ont pas touché leurs loyers, les porteurs d’effets de commerce dont les moratoires successifs ont prorogé les échéances. C’est donc avec des économies réalisées et non avec des économies escomptées que l’emprunt a été souscrit. Dès le premier jour, il est classé, c’est-à-dire entré dans les portefeuilles d’où il n’est pas destiné à sortir. La spéculation, dans le mauvais sens du mot, n’a pris aucune part à l’opération. Il n’est point venu