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Napoléon apporta un ordre merveilleux dans la gestion des deniers publics et conquit l’Europe sans augmenter les charges de la France. Au cours de la troisième époque (1815-1870), quatre régimes politiques se sont succédé : un trait commun les caractérise, c’est le développement économique rapide du pays, qui, au cours du xixe siècle, s’est industrialisé, et dont les budgets ont alors suivi une progression ininterrompue. La quatrième époque est celle de la troisième République : de 1870 à 1914, la Dette française a triplé, mais une partie notable de cette augmentation a été la conséquence de la politique du second Empire. D’ailleurs, si le capital des emprunts a subi pendant ces quarante-quatre ans une majoration rapide, le taux d’intérêt a baissé presque de moitié, en sorte que les contribuables ont trouvé là une compensation à l’aggravation des charges provoquée par les opérations nouvelles. La cinquième période date du 1er août 1914 : elle a déjà vu notre dette consolidée croître de plus de 60 pour 100.


I. — L’ANCIEN REGIME JUSQU’EN 1789

Avoir (est-ce bien le verbe qu’il convient d’employer ? ) une dette paraît, de nos jours, l’un des apanages de la souveraineté. Il n’est si minuscule État qui, à l’exemple des plus grands, ne croie devoir emprunter sous forme d’obligations négociables sur les marchés financiers, et qui ne pense affirmer ainsi son droit à l’existence dans le concert des Puissances autonomes. A peine une principauté s’est-elle constituée que, avant même d’avoir coupé tous les liens qui la rattachaient à un État suzerain, elle cherche et trouve des banquiers complaisans qui monnayent sa signature et placent dans le public ses rentes, entourées de garanties plus ou moins sérieuses. Cette forme moderne des emprunts publics a pris, durant le xixe siècle, une extension tout à fait extraordinaire, qui a coïncidé avec le progrès de la fortune mobilière, et qui a fait du crédit des empires, royaumes et républiques, une sorte de marchandise courante, qui s’échange à chaque minute dans les principales Bourses du monde, et dont les cours reflètent le crédit de chacun d’eux, c’est-à-dire l’opinion que la majorité des hommes se. forment de la solvabilité du débiteur. C’est l’existence de ces marchés publics, l’ampleur des transactions qui s’y effectuent, qui a