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faillite, il reçut en réponse l’offre de prendre lui-même en mains la direction des services du recrutement.

Par amitié pour lord Kitchener, lord Derby accepta et par une loyauté d’autant plus remarquable qu’il était lui-même, avant la guerre, partisan du National Service. Il s’engageait à faire tous ses efforts pour l’extension du système volontaire, en ajoutant que s’il échouait, il le déclarerait franchement ; mais il ne se dissimulait pas les difficultés de la tâche et se sentait un peu, a-t-il dit lui-même, dans la position du « syndic d’une « affaire en faillite » (a receiver of bankrupt concern).

Ancien secrétaire financier au War Office, ancien Post-Master general, lord Derby est une personnalité politique éminente. Le dix-septième comte de Derby, assurent ses admirateurs, possède le même courage que le premier, lequel prit part en 1485 à la bataille de Bosworth. A l’époque de la guerre sud-africaine, il remplissait les fonctions de chef de la censure. Depuis le commencement de la guerre, lord Derby s’est déjà occupé avec zèle de recruter des soldats. Le Dockers’ Battalion du King’s Liverpool Regiment a été levé par ses soins ; et l’on doit à son initiative et à son pouvoir de persuasion la formation de trois « Pals » bataillons de Liverpool, qui, par permission spéciale du Roi, portent au bras les armes des Derby.

Bravement lord Derby a accepté la responsabilité du succès ou de l’échec décisif du système volontaire dont le gouvernement s’est déchargé sur lui. Une période de six semaines était fixée pour la durée de l’expérience, — pendant laquelle il s’agissait de recruter 30 000 hommes par semaine. « Nous sommes arrivés, a dit lord Derby, à l’embranchement de deux chemins, et pour avoir des hommes il nous faut ou faire un succès au voluntary System pendant six semaines ou recourir à d’autres méthodes. »

Pour recruter cette petite armée, lord Derby mit en campagne ses canvassers (recenseurs). Tout homme susceptible par son âge de s’engager, — indications fournies par le National Register, — recevait la visite des recenseurs hommes ou femmes. Les comités locaux de recrutement avaient donné aux canvassers des instructions précises. Ceux-ci se présentaient chez l’intéressé jusqu’à ce qu’ils l’aient rencontré en personne, — puis lui exposaient clairement et poliment les besoins du pays, — mais sans le menacer ni le rudoyer (bully). Tout homme devait