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découvert. Notre pièce légère peut tirer près de 30 coups par minute, Le nombre des pièces leur permet de couvrir tout le front, en y promenant un infranchissable barrage de feu.

Pour passer, il faut donc réduire au silence l’artillerie adverse. Là comme en mer, la lutte se décide d’abord entre spécialistes, et entre spécialistes de l’arme atteignant au maximum de force. Un premier duel a lieu entre les canons à longue portée. La supériorité sur ce terrain sera d’autant plus indispensable que la proportion d’artillerie lourde ira croissant. Le vainqueur pourra aussitôt s’assurer, dans la zone couverte par ses obus, la liberté d’action de l’artillerie légère. Et, dès lors, il y sera « maître de la terre. » Mais son succès sera retardé et limité par la résistance des tranchées. Rappelons que la question se complique aussi par l’intervention des aéroplanes.

Nos armées emploient des pièces de 20 calibres différens, dont 9 ou 10 appartenant en propre à l’artillerie de terre, le reste à la marine ou aux batteries de côtes. Les calibres s’étagent depuis le petit canon de 35 millimètres, jusqu’à l’obusier allemand de 42 centimètres, la « grosse Bertha. » Les portées de 5 kilomètres et demi pour le 77 allemand, de 6 et demi pour notre 75, de 10 kilomètres et demi pour le 105 allemand et de 12 et demi pour le nôtre atteignent 13 et 14 kilomètres pour l’artillerie lourde de campagne et de siège ayant de 130 à 150 millimètres de calibre. On sait que les mortiers et obusiers sont des bouches à feu courtes, envoyant avec une faible vitesse initiale, c’est-à-dire à petite distance, des projectiles volumineux, chargés de grandes quantités d’explosif. La trajectoire est très courbe et franchit ainsi les obstacles. La pièce se pointe à 42 degrés environ de l’horizontale. Les obusiers de 210 millimètres ou 280 millimètres portent à 8 ou 9 kilomètres seulement, le 420 millimètres à 14 au maximum, tandis que les canons longs de 305 millimètres touchent à plus de 25 kilomètres. Nous avons des 340 millimètres dont la portée est encore supérieure. La flotte anglaise emploie des 381 millimètres. Il existe enfin un canon allemand de côtes de 406 millimètres. Ce canon pèse 113 tonnes. On doit approcher de la limite des poids utilisables à terre. Mais des progrès dans la qualité du métal et dans la technique des poudres étendront certainement encore les portées. Il n’est donc pas exagéré de compter qu’on ira foudroyer l’ennemi à 50 kilomètres ou davantage. Un pays