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au moins 100 ou 200 sur nuages. Un autre élément formant la contre-partie de ce progrès serait évidemment la dépense, qui ne peut manquer d’être beaucoup plus forte, pour la voie aérienne. Notons cependant que l’aéroplane n’a rien d’équivalent à l’usure des roues par frottement. Mais la question n’est pas là. Presque tous les progrès s’accompagnent d’une dépense qui n’arrête pas l’Humanité. Quand il s’agit en particulier de l’efficacité militaire d’un nouveau moyen d’action, il ne faut jamais tenir pour invraisemblable que l’ennemi fasse les sacrifices nécessaires. Il n’y aurait pas d’attitude plus imprudente. Nous n’avons pas cru avant cette guerre à la puissance de l’effort matériel fait par les Allemands pour la préparer : il nous en a coûté plus cher que n’aurait coûté une préparation égale à la leur.

Le transport aérien, à lui seul, changerait complètement la physionomie du combat et les moyens de la stratégie. Il équivaudrait d’abord au déplacement quasi instantané des troupes. Par un crochet en arrière de son front, un général pourrait dérober en une nuit toute son armée et la porter à la fois sur un point inattendu. Il pourrait l’y descendre dans son ordre même de bataille. Il pourrait enfin, s’il était maître de l’air, la déposer en plein territoire ennemi. Il faut seulement nous rappeler que là, dépourvue de son matériel qui doit se traîner à terre, elle ne serait pas à même de se livrer à des opérations militaires normales. On ne peut cependant envisager cette hypothèse, réalisable sur une échelle plus ou moins vaste dès que l’aéroplane sera devenu un vrai instrument de transport, sans se demander quel sera le sort des lignes de communications et des services de l’arrière ainsi menacés d’une descente ennemie.

Nous ne pouvons séparer dans ces opérations la faculté de transport de la faculté de combat. Avant d’emmener des passagers, l’aéroplane aura emmené des armes et s’en sera servi. On sait qu’il lance des fléchettes et des bombes et qu’il porte une, deux ou même trois mitrailleuses. Un de nos petits, avions actuels peut semer un ou deux milliers de fléchettes, qui font l’office de balles. Il y a plusieurs espèces de bombes, que ce n’est pas le lieu de décrire. La plupart sont simplement constituées par des obus d’artillerie, appartenant chez nous le plus souvent au calibre de 90 ou de 155 millimètres. Un aéroplane