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L’un d’eux, orateur célèbre, causeur brillant, à la parole souple et charmeuse, me parla de Lacordaire avec une admiration qui s’adressait moins, — je crus le comprendre, — au grand prédicateur qu’au Français illustre. Les circonstances lui interdisant peut-être un éloge direct de la France, ce fut sa façon de me témoigner sa sympathie pour elle. Il fit mieux. Le lendemain, il vint me rendre, à mon hôtel, une visite dont son âge et son rang le dispensaient. L’arrivée de ce personnage, connu de toute la ville, y produisit une petite révolution. Sous les regards mauvais des Allemands qui encombraient le hall, nous gagnâmes ensemble le salon de réception… Qu’il soit remercié ici pour ce réconfort qu’il m’accorda, après bien des humiliations et des duretés subies ailleurs, et pour ce témoignage d’amitié donné publiquement à notre pays.


Et maintenant, tournons-nous de l’autre côté.

Nous croyons pouvoir fonder plus d’espérances sur les partis espagnols de gauche. Dans quelle mesure, ces espérances sont-elles justifiées ?

Comme avec les conservateurs et les catholiques, il convient d’abord de distinguer entre ces partis. Et, avant d’aller plus loin, il faut absolument mettre à part les républicains et les socialistes, qui ne représentent qu’une minorité mal organisée et sans action réelle sur le gouvernement et sur les couches profondes du pays. Même réserve à faire, — et à plus forte raison, — pour les élémens anarchistes et révolutionnaires. Ils ne peuvent rien pour nous. Il suffit qu’ils se déclarent en faveur de la France, pour que, tout de suite, ils y provoquent une recrudescence d’hostilité contre nous.

Ceux-là écartés, reste le bloc des libéraux, qui se subdivisent en deux ou trois groupes et qui, pour la plupart, sont monarchistes. Auprès d’eux, cela va sans dire, nous trouvons un accueil des plus empressés, une atmosphère plus respirable pour nous. Leurs tendances aliadophiles, comme on dit en Espagne, ne sont pas douteuses. Mais je dois noter que leur attitude à l’égard de la France et de ses alliés, comme celle de bien des germanophiles à l’égard de l’Allemagne, est purement intellectuelle. Ce que ceux-ci admirent ou approuvent, chez nos voisins, c’est une certaine idéologie. De l’Allemagne,