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aussi violent que les carlistes, du moins à peu près semblable. Qu’il s’agisse d’évêques, de religieux, ou de laïques, leur réquisitoire contre nous était identique pour le fond. On dirait d’un mot d’ordre. Nous nous imaginons que notre propagande va les prendre au dépourvu, ou que son effet persuasif doit être irrésistible. En réalité, ils ont tout un arsenal d’argumens rangés en bataille contre les nôtres, et, à de certains momens, la poussière de la mêlée est telle qu’on finit par n’y plus voir clair.

Autant que les tièdes, ces passionnés se refusent absolument à envisager la guerre actuelle comme un conflit d’idées, et s’ils consentent à prévoir l’avenir, ils en attendent des résultats diamétralement opposés à ceux que nous redoutons. « De grâce, disent-ils, pas de théories, pas de constructions arbitraires ! Tenons-nous-en aux faits ! Ne sortons pas des faits !…. Eh bien, oui ou non, l’Empereur allemand est-il un protecteur respectueux du catholicisme ? Oui ou non, la République française a-t-elle persécuté, persécute-t-elle encore les catholiques ?… Pouvez-vous contester ces faits ? » Et bon gré mal gré, on vous enferme dans ce dilemme par trop simpliste. Si l’on se décide à reconnaître que les faits sont tout de même un peu plus compliqués qu’on ne veut bien le dire, on vous offre finalement cette fiche de consolation :

— Certes, nous distinguons entre la France et son gouvernement, entre la France catholique et la France athée et révolutionnaire !…. Vous venez nous parler de fraternité latine : nous ne savons pas ce que cela veut dire. Mais nous savons que la France de saint Louis et de Jeanne d’Arc est la sœur de l’Espagne catholique. Celle-là, nous souhaitons son triomphe, nous l’aimons, nous l’accueillons de tout cœur. Voyez plutôt quelle hospitalité empressée et fraternelle nous accordons à vos religieux exilés !…

Le catholique français, qui entend ces propos, ne peut pas s’empêcher de remarquer que la France de Jeanne d’Arc est bien lointaine, qu’elle appartient au passé. Elle peut avoir toutes les perfections, mais elle a le grand tort de ne plus exister. En revanche, il y a, aujourd’hui, comme au temps de Jeanne d’Arc, une France catholique, qui a droit aux sympathies des catholiques espagnols. Il ne suffit pas de la distinguer de son gouvernement, il faudrait peut-être, dans l’intérêt général du catholicisme, faire quelque chose pour elle. La question est