je voudrais seulement préciser, sur certains points, certaines affirmations, les compléter sur d’autres, et, en même temps, — on le permettra sans doute à un romancier, — rendre au lecteur l’image vivante des scènes auxquelles j’ai pu assister, le ton et l’esprit des conversations que j’ai entendues, de façon que, derrière les faits, on aperçoive un peu plus que les faits eux-mêmes.
Je l’avoue : lorsque je me mis en campagne, je partageais, non sans amertume, tous les étonnemens de nos compatriotes devant l’attitude inattendue de la plupart des Espagnols. Les colères qui nous secouaient alors (on s’habitue même à l’horreur) avaient oblitéré en moi la vision de l’Espagne réelle. Je crois que ces sentimens conservent encore, aujourd’hui, toute leur valeur, même en face des sentimens opposés que je vais essayer de définir. Je crois que, pour être contraires, ils ne sont pas contradictoires, et que, si beaucoup d’Espagnols voulaient s’en donner la peine, ils finiraient bien par concilier ce qu’il peut y avoir de légitime dans leurs aspirations et dans leurs griefs contre nous avec le souci de la justice et de la vérité. C’est pourquoi j’insiste, en commençant, sur ce qu’on appellera, si l’on veut, nos illusions, et qui n’était, chez nous, que la protestation spontanée de la conscience publique.
Cette protestation avait trouvé une expression aussi ferme et aussi nette que mesurée dans des brochures et des livres répandus chez les neutres, par nos services de propagande. La Guerre allemande et le catholicisme de Mgr Baudrillart et de ses collaborateurs avait été traduite en espagnol. La belle étude théologique de l’évêque de Nice : La France et l’Allemagne devant la doctrine chrétienne sur la guerre, — le travail le plus complet et le plus pénétrant qui ait paru sur la question, — commençait à circuler dans les milieux ecclésiastiques de la Péninsule. Tant d’efforts devaient-ils rester infructueux auprès des lecteurs de bonne foi ?… On me disait : « Ils ne lisent pas. Ils refusent même de lire. Ils se bouchent les yeux et les oreilles pour ne pas voir et pour ne pas entendre ! » Alors, il faut les obliger à nous écouter, il faut aller à eux, leur offrir l’entretien, et, avec tous les ménagemens requis, les amener à la discussion !….
C’est dans ces dispositions un peu naïves que je pris le