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d’un pas, pour amener nos adversaires à nous donner, rien que pour cela, en Afrique, les compensations nécessaires. »

Il se pourrait que là encore M. Paul Rohrbach et ses lecteurs se réservassent de cruelles désillusions ! Ce n’est pas d’hier que l’idée d’offrir à la Belgique sa liberté, en échange du Congo, et à la France l’évacuation de son territoire, contre des cessions coloniales plus ou moins larges, a fait l’objet d’échanges de vues entre neutres bien intentionnés ou, comme dit Rohrbach, de « ballons d’essai. » Mais la France, qui naguère avait consenti, bien qu’à contre-cœur, à faire à la cause de la paix universelle le sacrifice d’une partie de ce Congo français, sacré par le sang de ses fils et l’héroïsme de ses explorateurs, la France a trop confiance dans la justice de sa cause et la vaillance île son armée pour prêter l’oreille un seul instant à des propos qui lui apparaîtraient comme un chantage sacrilège. En 1914, elle était prête à débattre avec l’Allemagne de leurs intérêts respectifs, sur le pied d’une égalité courtoise et d’une bienveillante dignité. Elle ne saurait plus marchander maintenant qu’après la victoire et sait gré tout entière au gouvernement de la République d’avoir à plusieurs reprises su répondre par des paroles historiques à ceux qui avaient cru pouvoir en douter. Le « crime » de la guerre mondiale est de ceux que ne saurait châtier qu’une déchéance mondiale. L’aigle germanique devra se contenter désormais du vol du chapon, et le prince de Bülow, dlans la nouvelle édition qu’il prépare sans doute de son livre célèbre sur La Politique Allemande, fera bien d’ajouter quelques commentaires inédits à l’exposé des habiletés que les derniers -chanceliers de l’Empire ont cru devoir ajouter aux traditions du prince de Bismarck.


JACQUES DE DAMPIERRE.