bien que sa colonisation ne remontât guère alors qu’à quinze ans, et le Maroc, à peine partiellement pacifié, voit s’accroitre rapidement l’immigration française qui, au Ier janvier 1914, y avait installé déjà 26 085 civils, sans préjudice de plus de 22 000 étrangers, dont seulement 433 Allemands !
L’échec du peuplement allemand dans les colonies de l’Empire est donc indubitable, et n’a pas manqué de frapper l’opinion publique d’autant plus défavorablement que les émigrés allemands des deux Amériques, et notamment de l’Amérique du Sud, se créaient plus facilement un foyer dans des terres pourtant à peine moins vierges. On peut se demander dès lors quelles peuvent être les raisons singulières qui poussent les pangermanistes, après de si pénibles expériences, à réclamer encore pour l’Allemagne des domaines nouveaux pour accroître son empire d’outre-mer. Il y a sans doute à cette « boulimie de territoires » (Quadratkilometerfresserci) des raisons simplement psychologiques : telle est la vieille jalousie pour la France, qui est, comme nous l’avons dit, une des formes essentielles du patriotisme germanique et qu’exaspère cette fois la constatation des succès réels remportés par notre politique coloniale ; telle est aussi la vieille tradition prussienne d’extension territoriale qui n’est, en somme, que l’instinct paysan de possession de la terre, maintenue dans les idées pangermanistes par l’influence prépondérante du Junkertum, c’est-à-dire les hobereaux de la vieille Prusse, avant tout propriétaires fonciers. Mais il y a encore des raisons économiques plus sérieuses et qui tiennent à l’évolution même de l’Allemagne ainsi que des sociétés extra-européennes vers lesquelles se sont portées ses émigrations. A mesure, en effet, que cette émigration diminuait par suite du développement foudroyant de son industrie, l’Allemagne devenait un pays exportateur non plus d’hommes, mais de marchandises fabriquées, auxquelles il fallait des débouchés toujours plus grands et bientôt peut-être des débouchés privilégiés. Mais en même temps, les Etats-Unis d’Amérique, avec leurs 12 millions d’Allemands, bien loin de rester pour l’Allemagne une clientèle, avaient développé leur propre industrie au point de devenir pour le commerce allemand le plus terrible des concurrens, même dans les sociétés qui, comme en Amérique