Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 31.djvu/198

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naguère comme des fantaisies sans portée. La guerre actuelle nous a permis sur bien des points de retrouver, non seulement dans les actes des subalternes, mais même dans les déclarations et les décisions des hommes d’État de l’Allemagne, ces mêmes conceptions qui faisaient sourire ou hausser les épaules, lorsque nous les signalaient les quelques hommes au courant, chez nous, des choses d’outre-Rhin. Il n’y a plus guère de doute possible désormais sur l’identité qui s’est établie depuis quelque temps entre les idées directrices des gouvernans de l’Allemagne et celles qui sont la raison d’être du Alldeutscher Verband. Dans le grand bouleversement d’où doit sortir un monde entièrement renouvelé, il importe donc de bien connaître toutes les ambitions de l’Allemagne, pour être en mesure de discuter un jour avec fruit les problèmes complexes que la guerre n’aura pas tous tranchés définitivement.


Une fois réalisée par trois guerres heureuses l’unité nationale qui devait concentrer toutes ses forces, l’Allemagne allait être bientôt poussée par le cours naturel des choses à diriger vers l’extérieur son activité démesurément accrue. Mais, au lendemain des triomphales réalisations de 1871, il s’en fallait encore de beaucoup que cette concentration nationale eût acquis une intensité suffisante pour justifier immédiatement un vaste programme d’expansion économique et politique. L’unité impériale était trop récente, les blessures, inséparables des plus belles victoires, trop peu cicatrisées, pour qu’il ne fut pas nécessaire tout d’abord de porter tous les efforts publics et privés à la grande tâche qui s’imposait d’une réorganisation générale et parfois même d’une organisation nouvelle des vieux États fondus dans le jeune Empire. Il s’agissait non seulement d’harmoniser des législations, disparates, mais encore et surtout peut-être de coordonner, pour les développer, des forces économiques souvent opposées, parfois latentes, et qui ne trouveraient leur libre jeu et leur pleine efficacité qu’avec l’appui d’un régime puissant, pacifique et conscient des besoins immédiats du pays. Les cinq milliards d’indemnité versés par la France devaient permettre au gouvernement impérial d’aborder sans retard un vaste programme d’outillage intellectuel, économique et social de la nouvelle Allemagne. La diffusion