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eussent ordonné un grand jeûne d’actions de grâce, au début de janvier « parce que la contagion avait presque cessé, » ce qui eut dû mettre d’accord toutes les églises, ils étaient cependant sollicités de prendre parti entre toutes les sectes dont les pasteurs, s’étant fort échauffés, pendant l’épidémie, aux prônes extraordinaires du mercredi soir, s’accusaient encore, réciproquement, d’avoir attiré la colère céleste. Ils étaient, cependant, à peu près tous d’accord pour demander des mesures énergiques contre l’hérésie cartésienne et les États de Hollande prirent gravement des décisions sévères pour empêcher les gens de penser suivant la « Méthode » du philosophe français. Le résultat fut lamentable ; car les Cartésiens firent des adeptes de tous côtés ; et tels qui n’avaient jamais entendu parler de cette doctrine se précipitaient chez Louis Elzévier et Nicolaes Blau qui avaient imprimé Descartes et épuisaient leurs éditions.

L’historien Basnage s’étend longuement sur ces événemens de 1656 et sur la mise à l’index de cette doctrine.

« Non seulement, dit-il, les Maîtres de l’art de raisonner écrivirent avec chaleur et s’entre-noircirent par les accusations les plus odieuses ; mais les Universités se partagèrent sur ce sujet. Les théologiens y firent intervenir la religion, comme si la nouvelle philosophie en sapait les fonde mens. Les Synodes alarmés formèrent des plaintes et firent des Règlemens et des Statuts contre ceux qui l’enseignaient. Enfin les Puissances furent obligées d’y mettre la main. »

En effet le 25 juillet 1656, les États de Hollande publièrent une décision en cinq chapitres où ils défendirent aux philosophes de soutenir la thèse du mouvement de la terre autour du soleil, etc., etc. ; puis ils réglèrent l’usage des termes à employer dans leurs enseignemens ; enfin ils opposèrent à la « Méthode » de Descartes une autre « Méthode » pour traiter des questions qui sont également du ressort de la Raison et de celui de la Foi. On défendit, notamment, aux philosophes d’expliquer l’existence de Dieu, et on leur ordonna d’étudier « les vérités naturelles conformément à l’Écriture Sainte, parce qu’on doit ce respect à la Divinité qui l’a dictée de ne s’éloigner jamais de ce qu’elle enseigne. »

Cette décision, longuement mûrie et motivée par les avis des Facultés et des Synodes, était déjà arrêtée depuis quelque temps.