Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 31.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dogmes, et il se rapprocha ouvertement des Mennonites du Waterland.

C’est alors que les Parnassim exigèrent la rentrée de leur ancien élève à la Synagogue.


VI

Ces événemens se déroulèrent au cours de l’année 1655, au moment de la grande peste qui enleva, rien que dans Amsterdam, plus de dix-sept mille personnes.

On ne fait, d’ordinaire, jamais le moindre cas de ces calamités publiques, extrêmement fréquentes dans cette grande cité en gestation continuelle, et tous ceux qui ont étudié la vie de Spinoza, ou celle de Rembrandt, n’ont jamais fait attention à ces événemens, qui devaient cependant avoir sur l’impressionnabilité de ces foules disparates, ébranlées par les prédications des ministres de tant de sectes constamment en conflit d’opinions, une action, d’autant plus considérable, que la crédulité publique les rattachait toujours à quelque combinaison de chiffres, à quelque signe extérieur, — comme l’apparition d’une comète, — ou à quelque hérésie nouvelle dénoncée par les théologiens.

Longtemps à l’avance, les trois chiffres, 6, de l’an 1666 furent signalés comme devant amener des catastrophes effroyables ; dans Amsterdam, les pasteurs annonçaient la chute de la papauté, ou l’embrasement de l’univers, bien avant que le grand incendie de Londres eût apporté une confirmation fortuite à leurs pronostics alarmans.

La peste était d’ailleurs endémique dans Amsterdam au XVIIe siècle ; mais, certaines années, la grande Faucheuse prélevait un tel pourcentage sur ses habitans, que les Chroniqueurs crurent devoir le signaler. De 1617 à 1624 : 52 537 morts ; en 1625, 6 781 ; en 1635, 8 177 ; en 1636, 17 193 ; en 1655, 16 727 ; enfin la grande peste de 1663-1664 enleva 34 000 habitans, plus du cinquième de la population sédentaire de la ville.

Dans le quartier juif, qu’habitaient alors Rembrandt et Spinoza, au cours de l’année 1655, la mortalité dut être effroyable. Les Parnassim veillaient jalousement à l’observation rigoureuse de la purification rituelle des femmes, qui leur rapportait de très gros revenus. Il n’y avait qu’une seule piscine, très étroite,