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peuple de travailleurs non seulement payés, mais souvent dirigés par la guerre, indispensables à son succès, consacrés à une tâche nationale. Ceux qui n’étaient pas soumis à des obligations militaires, soit comme hors d’âge, soit en vertu de leur état de santé, sont appelés à collaborer à la défense volontairement, au même titre, par exemple, que les étrangers. Toutefois, les pouvoirs publics, officieusement, et les organisations corporatives, de leur autorité privée, exercent au besoin une pression sur ceux qui feraient preuve de trop peu de bonne volonté.

En Angleterre, M. Lloyd George a dû organiser, avec l’aide des Trade-Unions, un recrutement intensif de l’ « armée industrielle. » A Londres, des centaines de bureaux sont ouverts dans l’hôtel de ville et les Bourses du travail. Les ouvriers qui s’enrôlent s’engagent à travailler sous la direction du gouvernement, pendant une période de six mois, là où il les enverra, et à reconnaître, pour toute infraction aux termes de leur engagement, la juridiction d’un tribunal spécial, qui vient d’être créé par la loi d’enrôlement. En outre, une autre loi prescrit l’inscription sur un registre national de tous les hommes aptes à servir, de façon qu’on puisse requérir leurs services, soit pour porter les armes, soit pour concourir à la production du matériel de guerre.

La société, menacée, peut, en effet, en arriver à réquisitionner le travail, car une production immense devient une nécessité publique. La question est bien simple et parfaitement claire pour les ouvriers déjà mobilisés, renvoyés du front dans leurs usines. Ceux-là, en reprenant leur outil professionnel, restent en service commandé : ils ne cessent pas d’être militaires : des militaires à l’état latent, comme dirait un physicien.

Faute de prévoir à quels chiffres énormes monterait, en particulier, la dépense en projectiles, nous avions négligé « d’organiser dès le temps de paix la fabrication auxiliaire qui les concerne. Même les arsenaux de l’Etat avaient calculé beaucoup trop étroitement la partie à conserver dans leur propre personnel. Il a donc fallu faire revenir du front un grand nombre de leurs ouvriers ; mais c’est bien autre chose encore lorsqu’on veut équiper à nouveau les usines privées. Or, les techniciens expérimentés dans tous les divers ordres indispensables à la guerre : ingénieurs, directeurs d’usines,