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liberté et la sécurité de nos mouvemens à Salonique, où nous ne saurions trop répéter que nous ne sommes pas venus sans son aveu.

Il le conteste aujourd’hui ; il affirme n’avoir jamais donné son consentement à la politique de M. Venizelos : il y a certainement là une équivoque qu’il serait facile de dissiper si le fait en valait la peine. Mais qu’importe ? Nous sommes à Salonique et, bien que notre présence y soit peu agréable au Roi, il ne s’oppose-pas à ce qu’elle s’y prolonge, et il a pris l’engagement- d’honneur que nous ne courrions de sa part aucun risque. Nous sommes convaincu de sa sincérité, et il faut que ce point soit mis tout à fait hors de causer en aucun cas, nous n’avons à craindre une attaque de sa part. Nous en avons pour garant, non seulement sa parole, qui suffirait, mais encore le sentiment du peuple grec, qui s’est manifesté autour de M. Denys Cochin avec un incomparable éclat. Quand même la mission de M. Cochin n’aurait pas eu d’autres résultats, — et elle en a eu d’autres, — il faudrait se féliciter qu’elle ait eu celui-là. Il n’y a pas de gouvernement qui ne tienne compte du sentiment de tout un peuple. Mais l’embarras du Roi est grand parce que, dans sa volonté actuelle de conserver une neutralité dont, à deux reprises, il nous a offert de sortir, il se trouve placé entre des exigences en sens contraires, les nôtres et celles de l’Allemagne, et qu’il est difficile de les concilier. L’Allemagne ne manque pas de dire que, si les troupes alliées sont battues et si elles se réfugient sur le territoire hellénique, où elles ne seront pas désarmées, ses propres troupes les y suivront et y porteront la guerre. Et, alors, voilà la Grèce devenue une seconde Belgique ! Que faire ? Le roi Constantin a fait part de son désir au journaliste américain : il voudrait que, si les troupes alliées sont refoulées sur le territoire hellénique, elles considèrent la campagne comme finie et se rembarquent, auquel cas il répondrait de leur sécurité et l’assurerait au besoin par l’intervention de toute son armée. C’est malheureusement une promesse que nous ne pouvons pas lui faire, un engagement que nous ne pouvons pas contracter. Le journaliste américain l’a bien senti, car il a demandé au Roi ce qu’il ferait si, ces déclarations ne les satisfaisant pas, les Puissances alliées employaient la force. — « Alors, a répondu le Roi, je protesterai auprès de tout l’univers contre cette violation de nos droits souverains. Nous résisterons passivement aussi longtemps qu’il sera humainement possible contre toute mesure, quelle qu’elle soit, tendant à nous contraindre à suivre une ligne de conduite que nous savons devoir porter préjudice à la liberté et au bonheur de notre peuple. » — « Et lorsque vous