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prendre leur revanche et reconquérir le terrain perdu. L’avenir leur réserve de grandes réparations. Mais il s’agit du présent et de Salonique où la question est de savoir si nous pouvons rester : les Russes, avouons-le, ne peuvent guère nous aider à la résoudre. Si nous sommes à Salonique au printemps prochain, nous profiterons de leur activité militaire, de même qu’ils profiteront de notre présence sur un point bien choisi des Balkans. Mais y serons-nous encore ? Nous avons passé en revue tous nos Alliés : quelle sera notre conclusion ? Les Russes, actuellement, ne sont qu’une espérance. Nous ne saurions trop dire-ce que peuvent les Italiens, mais certainement ils peuvent quelque chose d’important. Quant aux Anglais, ils peuvent beaucoup, s’ils le veulent : la solution est entre leurs seules mains. Nous ne demandons qu’à rester à Salonique, et nous le ferons certainement s’ils y restent aussi. Mais, à parler en toute franchise, notre inquiétude vient de ce qu’ils ont promis, ou qu’ils ont paru promettre d’y rester au moins deux ou trois fois, ce qui est beaucoup. S’ils s’y engagent une fois de plus, sera-ce la bonne, et nous sera-t-il enfin permis d’y compter d’une manière absolue ?

Alors, nous pourrons parler plus nettement au roi de Grèce. Il vient de nous parler lui aussi, et même abondamment, car nous avons de lui deux interviews qui se sont succédé à vingt-quatre heures d’intervalle, l’une avec un rédacteur du Times, l’autre avec un représentant de l’Associated Press de New-York : celui-ci ne lui a pas ménagé les questions et il ne lui a pas ménagé les réponses. Nos journaux ont dit qu’il y avait une différence sensible entre ces deux interviews ; nous avouons n’en avoir pas été frappé. La seconde continue logiquement la première ; elle va plus loin, elle précise davantage ; mais l’une et l’autre sont très claires. Avant tout, le Roi ne veut pas se battre. Il a, comme M. Rhallys, — bien qu’il le dise avec plus de mesure et de tact, — l’imagination hantée par l’image sanglante de la Belgique et il repousse avec horreur et terreur le même sort pour la Grèce. Il semble, vraiment, que le roi Constantin n’ait appris qu’à une date récente les atrocités commises par les Allemands en Belgique ; elles étaient pourtant déjà accomplies et connues lorsque, après la première chute de M. Venizelos, son ministre, M. Gounaris, nous a fait part des conditions dans lesquelles il marcherait avec nous ; et comme cette ignorance du Roi à ce moment n’est pas vraisemblable, il faut bien croire que son attitude actuelle a d’autres causes que celles qu’il avoue. Mais enfin il est neutre et veut rester neutre ; c’est son droit, nous l’avons toujours reconnu : nous ne lui demandons que la