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intérêt pour l’Angleterre ; on comprend très bien qu’elle s’en préoccupe, et même qu’elle le fasse d’autant plus qu’elle s’en est moins occupée jusqu’ici ; mais l’Égypte est facile à défendre. Elle n’est attachée à l’Asie que par une bande de terre de petite longueur et, comme elle ne peut pas être attaquée par mer, une immense armée n’est pas indispensable pour en assurer la protection. Assurément, il faut mettre l’Égypte hors de danger, mais on peut le faire en restant à Salonique, dont les circonstances en ont fait aujourd’hui le premier contrefort. Les Anglais estiment qu’ils immobilisent 200 000 Turcs dans les Dardanelles : croient-ils donc qu’ils ne les immobiliseraient pas aussi bien, et même mieux, à Salonique ? S’il y avait là un corps expéditionnaire sérieux, on pourrait y combattre, non seulement pour la Serbie, mais pour l’Egypte, mais pour l’Inde. Sur quelque point du monde où on battra les Allemands, tuteurs de la Turquie, la victoire profitera à l’Empire britannique. On est ému à Londres, un peu inquiet même en ce moment. Une expédition, poursuivie en Mésopotamie avec des forces insuffisantes, a rencontré sur sa route un échec infiniment regrettable, mais heureusement très réparable. On le réparera sur place, mais on pourrait le réparer aussi quelque peu à Salonique. Le fera-t-on ? Se prépare-t-on à le faire ? Nous le souhaitons bien vivement. Comment l’Angleterre ne comprendrait-elle pas que l’impression produite par l’évacuation de Salonique si elle venait à s’ajouter à celle qu’a causée l’échec de Ctésiphon, ne pourrait que l’aggraver. Elle serait bien différente si, faisant face à toutes les difficultés, nous montrions partout de la résolution et de la fermeté.

Les Italiens ! Ils ne sont pas à Salonique et, si nous évacuons, ils n’auront pas à le faire avec nous : leur situation n’est donc pas la même que la nôtre. Elle n’est pas non plus la même que celle des Anglais, et nous n’avons pas à attendre d’eux le même genre de concours ; mais ils peuvent agir très utilement dans l’intérêt de l’œuvre commune, et nous sommes convaincus qu’ils le feront. Leur attitude est pour leurs alliés une cause de confiance et d’espérance. Nous parlons, il y a quinze jours, du discours prononcé à Palerme par M. Orlando, ministre de la Justice Ce discours a résonné comme un coup de clairon. Depuis, nous avons entendu un langage dont le caractère officiel a été encore plus marqué, puisqu’il a été tenu devant le parlement par le ministre des Affaires étrangères, M. Sonnino. S’il a été moins vibrant, il n’a pas été moins net. M. Sonnino a rappelé par suite de quelles circonstances l’Italie avait été obligée de déclarer