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de cette manière d’agir, me répondit : « Les affaires sont les affaires. » Etait-ce cynisme, était-ce indifférence, était-ce découragement ? Les gens positifs répondront : « Qu’importe ! On ne change pas le cours des lois économiques. » Il semble bien, en effet, qu’elle était inévitable, cette conséquence de l’incorporation du Luxembourg dans le Zollverein. Mais le Zollverein est une barrière artificielle, un endiguement qui a créé des courans également artificiels.

Rien ne prouve que l’industrie luxembourgeoise n’eût pas également prospéré en dehors de cette barrière. Et, si l’Empire allemand a offert un vaste marché aux produits luxembourgeois, si, de plus, la part du Grand-Duché, dans les recettes douanières communes, lui a procuré un moyen facile d’équilibrer son budget, ces avantages ne laissent pas d’être diminués par quelques drawbacks, parmi lesquels il nous suffira de citer la cherté générale des moyens d’existence devenue un des plus fréquens sujets de plainte de la population grand-ducale.

Quelque opinion que l’on ait sur ces questions, l’expérience n’a que trop démontré le danger de mettre les intérêts en contradiction avec les aspirations politiques. C’est en vain qu’un peuple prétendra maintenir son indépendance, c’est en vain qu’il proclamera cette volonté dans le refrain de son hymne national, s’il ne réussit point à se défendre contre une lente absorption économique.


FR. DE JEHAY.