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banalité de le constater aujourd’hui. Qu’il y ait eu des tiraillemens, des défauts d’entente, des « incohérences » dans l’action des Alliés que séparent malheureusement, quand ce ne sont pas des conditions géographiques, certaines divergences d’intérêts, c’est un point acquis sur lequel il ne faut pas s’appesantir et une situation à laquelle on vient heureusement de porter remède. Tant y a que les Anglais et nous, nous agissons ; que nous sommes à Salonique, sur le Vardar, sur la Cserna, tandis que les Italiens cherchent, avec, je pense, la ferme volonté de le trouver, le meilleur point d’application de leur effort et que les Russes organisent leur armée d’opération des Balkans dans la Bessarabie, indécis encore s’ils la transporteront par mer, malgré la menace des sous-marins, ou s’ils pèseront sur le gouvernement roumain pour obtenir passage sur son territoire, comme en 1877.

De toute façon et de tous les côtés, la tâche des flottes est considérable. Je viens de parler des sous-marins allemands de la Mer-Noire. Ceux de la Méditerranée et de la mer Egée inspirent à certaines personnes des appréhensions d’autant plus vives qu’elles s’imaginaient, sur la foi d’on ne sait quels calculs, qu’on les avait tous détruits dans le Nord. Toujours est-il que la protection du long chapelet de paquebots et de transports qui s’égrène dans les deux sens de Salonique à Marseille est la tâche la plus ingrate qui puisse incomber aux marines de guerre. Il parait, — on l’a affirmé en bon lieu, — que, jusqu’au commencement de novembre, l’organisation de cette protection était restée à l’état rudimentaire. Nous en sommes plus peinés que surpris. Peut-être l’organisme central se reposait-il trop sur le commandant en chef des forces navales, tandis que celui-ci se trouvait fort empêché par l’insuffisance des moyens mis à sa disposition[1]. On va pousser vivement, je crois, la construction, l’adaptation, la transformation des bâtimens légers de surface et de plongée. Mieux vaut tard que jamais. Si nous avons, dans quelques mois, d’autres opérations combinées à entreprendre, peut-être le nombre des navires coulés sera-t-il sensiblement diminué. Hâtons-nous de dire que les pertes déjà subies ne dépassent pas ce que l’on devait attendre. Lorsque, à terre, dans la guerre de mouvemens, on se voit enlever des

  1. Voyez dans la Revue des Deux Mondes du 1er juin 1915 : « Quelques torpillages : Léon Gambetta, Lusitania, Goliath. »