Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/926

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’ils s’en promettent ou qu’ils feignent d’en attendre. Soyons assurés, pour ne parler que du coton, par exemple, que la fermeture des docks de Copenhague et de Rotterdam ferait perdre à l’Allemagne beaucoup plus que ne lui donnera l’ouverture des marchés de Constantinople et de Smyrne. Je n’ai cessé de dire, depuis un an, que c’est par le Nord que nos ennemis s’alimentent. On le sait bien, d’ailleurs, là où il convient qu’on le sache. Mais, pour des raisons que je ne discuterai pas ici, on ne croit pas devoir prendre les mesures nécessaires pour compléter le blocus économique, en même temps que l’encerclement militaire de l’Allemagne.

« Compléter le blocus. » C’est qu’en effet le blocus existe déjà et se maintiendra de plus en plus rigoureux du côté du Sud. Toutes les côtes, tous les ports du Levant fermés, depuis l’Isonzo jusqu’à l’Euphrate, depuis Trieste jusqu’à Bassorah et Koweït, que restera-t-il, au bout de quelque temps, de ces ressources dont on nous fait un si pompeux étalage ? Aucun pays ne peut se passer d’échanges, et l’on n’est producteur qu’à la condition d’être consommateur.

Ce n’est rien que cela. Il y a la question des voies de communications. Si l’on considère qu’une guerre est un phénomène anormal dont les phases successives ont leurs bornes, dans le temps comme dans l’espace, cette question prend une importance considérable au point de vue qui nous occupe. Or, nous avons barre sur nos ennemis du côté des communications par le seul fait que nous exerçons la maîtrise de la mer, et que, par un coup de fortune dont il serait criminel de ne pas profiter, sa future ligne d’opérations, très voisine du littoral en quelques endroits, sur le littoral de la Syrie, en particulier, reste à la portée de nos entreprises.

Nous sommes donc loin d’être désarmés contre notre adversaire. Et sans escompta des retours d’influence sur certains peuples balkaniques qui nous permettraient de couper la retraite aux audacieuses armées des deux empereurs, nous pouvons contrecarrer à tel point leurs desseins que le merveilleux drang nack Asien tourne à la confusion de ses protagonistes.

Ceci dit, entrons dans le détail des opérations et allons d’abord au plus pressé, au secours des Serbes.


Que nous nous y soyons pris bien tard, ce serait une