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à beaucoup de fermeté, la grande-duchesse Marie-Adélaïde n’a guère manifesté, jusqu’à ce jour, des idées personnelles. Confiante dans le talent et la sagesse d’un ministre qui a prouvé son dévouement à la dynastie et au pays, elle semble disposée à laisser le plus longtemps possible le gouvernail du pouvoir exécutif entre les mains de l’homme d’Etat expérimenté que tous les partis respectent.

On a reproché a la grande-duchesse d’avoir une cour composée en majeure partie de dignitaires allemands. On a parlé d’influences occultes, d’ingérence dans la politique intérieure ; l’entourage de la souveraine a été qualifié de « camarilla. » Les critiques qui se sont fait jour, à ce sujet, dans la presse et même à la Chambre, ont pu paraître déplacées, tout au moins dans les termes où elles se formulaient. Ce qu’il en faut retenir, c’est avant tout le sentiment d’indépendance qu’elles trahissaient, la manifestation de l’opinion publique affirmant le désir du peuple luxembourgeois d’être affranchi de toute direction germanique. Les apparences sont parfois plus fâcheuses que la réalité. S’il a semblé que la Cour grand-ducale prenait trop souvent langue à Berlin, on peut supposer que cette déférence était due plutôt à la crainte qu’à la sympathie, et nous admettrions volontiers qu’elle était plus affectée que sincère. Il n’est, en tout cas, pas douteux que la grande-duchesse Marie-Adélaïde a ressenti vivement la manière dont ses droits souverains et l’indépendance du pays ont été méconnus et que ce fut, pour la jeune princesse, une cruelle désillusion de se voir traitée si brutalement par l’omnipotent voisin pour lequel son gouvernement et elle-même avaient eu tant d’égards.


Un des plus sérieux reproches qui aient été faits aux Luxembourgeois désireux de maintenir leur nationalité est de n’avoir pas suffisamment défendu leur indépendance économique. Non seulement tout a été mis en œuvre pour faciliter l’établissement dans le pays de puissantes firmes allemandes, telles que la Gelsenkirchener-Bergwerks-Aktien-Gesellschaft, mais la plupart des firmes luxembourgeoises font aujourd’hui partie de syndicats allemands ou ont confié la direction de leurs entreprises à une majorité d’administrateurs allemands. Un notable luxembourgeois auquel je signalais, un jour, le danger