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les bois de chez lui. Ni Athènes, ni Constantinople ne le rendaient ingrat pour Rehon qu’il qualifie de « merveille, » pas plus que Rome ne faisait oublier à Du Bellay sa bourgade angevine. Mais il voulait tout connaître de ces lieux illustres. Chaque jour, il éprouvait plus profondément le bienfait de la culture antique puisée à la source même ; quand il quitta la Grèce, ce fut en la remerciant de lui avoir donné une instruction qu’il n’aurait jamais acquise ailleurs.


Voilà Mézières devenu tout à fait Athénien : il jugea que cela le désignait pour enseigner les littératures anglaise et allemande. Homère et Platon lui avaient été une introduction à Shakspeare et à Gœthe. C’était le beau temps de la culture générale. On ne croyait pas que le plus grand effort de l’esprit consistât à s’enfermer dans une étroite spécialité, toutes portes closes. C’est, à n’en pas douter, le père de Mézières qui l’orienta vers cet enseignement. Il avait réuni une riche collection de classiques étrangers, et c’était un père à l’ancienne mode, qui ne craignait pas d’usurper sur la liberté de son fils en le faisant profiter de son expérience et de ses travaux. Tous deux allèrent consulter Villemain ; celui-ci avait contribué plus que personne à introduire l’étude des littératures étrangères en France : sa réponse n’était pas douteuse. Le nouveau professeur fit ses débuts à la faculté des Lettres de Nancy. Son succès fut tel qu’après quelques années, une chaire étant devenue vacante à la Sorbonne, il put se mettre sur les rangs. Toutefois, n’ayant jamais fait mystère de ses opinions libérales, il n’était pas très rassuré sur l’accueil que recevrait sa candidature en haut lieu, et c’est avec une certaine inquiétude qu’il se rendit à la convocation de M. Rouland, alors ministre de l’Instruction publique : « Vous avez de mauvaises relations, lui dit le ministre, vous m’êtes désigné comme fréquentant beaucoup le monde orléaniste. Mais c’est là une question d’ordre privé dans laquelle je ne veux pas entrer. On ne vous reproche aucune incorrection ; je n’ai donc à m’occuper que de votre enseignement. Vous avez réussi à Nancy : je ne vous demande que de réussir également à la Sorbonne, où je vous appelle. » Ainsi s’exprimait un ministre de l’Instruction publique en 1861, sous l’Empire. Ainsi un