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quatre kilomètres d’Andrinople ; c’est cette portion intermédiaire que les Turcs ont abandonnée. Enfin, profitant du débarquement des Alliés à Salonique (octobre 1915), le gouvernement grec a pris en mains l’administration de la section Saloniquo-Guevguéli ; sa raison fut que, tous les ravilaillemens de la Serbie passant par-là, cette ligne devenait en fait, malgré la neutralité de la Grèce, une voie stratégique dont on ne pouvait laisser l’exploitation à une Compagnie privée. Bien entendu, aucune des indemnités dues pour ces transferts n’est payée, ni peut-être prévue ; ce sont là questions ajournées. Le sort de la « Jonction » ne diffère pas beaucoup de celui des Orientaux : ici aussi, ce sont les occupans du territoire qui ont pris possession du chemin de fer. Le gouvernement grec a, de même, assumé ces jours derniers la direction de la ligne de Salonique à Monastir ; celle-ci est pour lui d’autant plus importante qu’une de ses gares, voisine de Salonique, sera la jonction avec le réseau de la Grèce péninsulaire et que le gouvernement d’Athènes pousse activement les travaux de ce raccord.

Les chemins de fer balkaniques, à l’heure où nous écrivons ces lignes, sont tous des instrumens de guerre ; à la veille de l’invasion bulgare et allemande en Serbie, en octobre dernier, les ingénieurs qui avaient construit les lignes serbes signalaient les ouvrages d’art à détruire, pour entraver l’avance ennemie, les points critiques de la vallée de la Nichava, près de Pirot, sur la ligne de Nich à Sofia, un tunnel d’un demi-kilomètre sur celle de Nich à Uskub, en aval de Vrania. C’est à une tâche d’anéantissement qu’il faut se résoudre aujourd’hui, dans l’espoir qu’un jour prochain des moissons nouvelles monteront du sol sur tant de ruines ! Quand, enfin, les armes seront déposées, il sera permis de reprendre l’œuvre interrompue de la civilisation dans les Balkans, mais les leçons du passé récent ne devront pas être oubliées. Les nationalités balkaniques, modelées à nouveau par le conflit, voudront chacune avoir son réseau national de chemins de fer ; rien n’est plus légitime, à la condition que les droits acquis soient indemnisés ; on arrivera sans doute, en fin de compte, à un règlement équitable pour les divers intérêts en cause.

Aussi bien cette question financière n’est-elle pas la principale ; les États balkaniques, en même temps qu’ils tiendront à développer leurs ressources particulières, ne pourront grandir