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profil harmonieux des mosquées ; la corporation des arrimeurs règne sur le transit, car il n’existe pas encore de quais, et les paquebots déchargent en rade, sur des mahonnes ; la police traite avec égards les chefs des « mahonadjis. » Des cargaisons de sucre, de café, d’objets fabriqués sont déposées en échange de sacs de maïs ou de glands tinctoriaux, de ballots de tabac et de peaux. Les Compagnies de navigation, anglaises et françaises, dominent encore ; mais déjà parait, arrivant de Trieste, le Lloyd autrichien ; plus tard, au début du XXe siècle, ce seront les Compagnies allemandes, appuyées sur le puissant organisme de Hambourg. En même temps, la concurrence de l’Europe centrale se précise et s’arme par l’extension des chemins de fer.


Le gouvernement turc avait, dès 1869, concédé une première série de lignes ferrées, qui furent construites pour son compte ; il signa ensuite (1872) un accord pour l’exploitation de ces lignes, avec une Société qui passa en diverses mains et que nous désignerons sous le nom qui lui est resté, la Compagnie des Chemins de fer Orientaux. Ce groupe est surtout autrichien, les capitaux ont été rassemblés principalement en Autriche, en Allemagne et dans la Suisse orientale ; quelques actionnaires français, anglais, belges, possèdent un petit nombre de titres. La Société était instituée fermière du gouvernement turc pour les lignes dont l’exploitation lui était concédée ; d’après son contrat, elle prélève d’abord une somme de 1 000 francs par kilomètre sur la recette brute et partage les excédens, suivant des règles qui ont été plusieurs fois modifiées, avec le gouvernement ; toutefois, elle s’engage à ce que la part de celui-ci ne descende jamais au-dessous de 1 500 francs par kilomètre ; ainsi, ce n’est pas l’Etat qui garantit un revenu à la Compagnie, mais la Compagnie à l’Etat, ce qui est en somme équitable, puisqu’elle a reçu un réseau construit et n’a besoin que de capitaux de roulement pour la fourniture du matériel roulant et l’exploitation. L’ensemble des lignes de cette concession montant à peu près à 1 200 kilomètres, on voit que la redevance annuelle minimum au gouvernement turc est d’environ 1 800 000 francs ; la Porte a gagé sur ce revenu, en 1894, un emprunt de quarante millions qui fut placé en France.

Le réseau primitif des Orientaux comprenait, au départ de