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de plus en plus onéreuses. N’importe : à l’inventaire, il restait encore des bénéfices nets ; mais ils n’atteignaient plus les cinquante mille marks d’autrefois ; la production doublée les diminuait, au contraire, de 25 pour 100.

De 1900 à 1905, notre homme fit plus que doubler sa production, et tous ses voisins et concurrens firent de même. Le résultat final fut conforme à celui des dix années précédentes : à production doublée, vente doublée en des conditions deux fois moins bonnes et à une clientèle où le monde extérieur tenait trois et quatre fois plus de place ; or, le monde, habitué à payer le produit allemand à vil prix, lui refusait les hausses qu’il consentait aux similaires anglais et français, parce que le propre de ceux-ci est d’être coûteux, mais que l’autre doit être bon marché : « En comptant à la française, — ajoutait ce Badois, élevé en Suisse et habitué aux mœurs de ses correspondans de Franche-Comté, — je ne tire plus le 4 pour 100 net du capital engagé. Mes voisins vous diront qu’ils obtiennent, eux, du 12 et du 14 ; c’est qu’ils calculent à l’allemande, en ne tenant compte que du capital initial ; quand leur usine, partie avec 100 000 marks, leur donne aujourd’hui 15 000 marks de bénéfice net, ils crient au 15 pour 100 ; mais ils oublient qu’entre le départ et l’arrivée, ils ont laissé dans leur affaire, comme moi dans la mienne, dix années de bénéfices ou rapporté 200, 300 000 marks de capital nouveau, — ce qui donne, à la française, du petit 4 pour 100, en attendant moins encore. »

Le prix des pendules baissait ; le prix des fournitures montait, et ce consommateur de cuivre était effaré par les cours des quatre dernières années : 126 en 1904, 149 en 1905, 186 en 1906, 188 en 1907 ! Et il fallait trouver de l’argent pour moderniser toujours le matériel, pour doubler encore la production et les salaires, doubler par suite l’engorgement du marché ! Vers 1890-1895, on pouvait porter des pendules à Londres, En 1907, on voyait reparaître à Berlin les pendules anglaises et apparaître à Hambourg les pendules américaines, et les anglaises avaient pour elles la mode ou le snobisme, la préférence des gens riches, et les américaines avaient derrière elles cette formidable organisation du Nouveau-Monde, où la science à l’allemande travaille sur des ressources décuplées, avec des capitaux centuples ! Bientôt il faudrait vendre sans profit ou même à perte dans l’Empire comme dans le reste du monde.