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les contemporains et la postérité, l’un des événemens historiques les plus importans, et même une mesure de salut ; aussi le Reichstag, qui a su apprécier la politique à longues vues de cet homme, méritera un monument dans l’histoire de l’Empire : ce n’est pas la Patrie seulement, c’est les millions de sujets des autres pays signataires de cette Association douanière, qui béniront un jour cette journée. »

« Il ne faut pas trop presser ni tourner les paroles d’un Empereur : « c’est l’un des proverbes du moyen âge que cite volontiers Guillaume II, vn einem Kaiserwort soll man nicht drehen und deulen. Pourtant un mot, ce jour-là, était prononcé, dont vingt-quatre années d’histoire subséquente nous montrent aujourd’hui la signification véritable : « Association douanière, » Zollverband, disait Guillaume II. C’est une « Union douanière, » un Zollvereinv ermanique, que le roi de Prusse au début du XIXe siècle avait pris comme base de son entreprise allemande, de son œuvre impériale ; c’est une « Association douanière, » un Zollverband continental, que le Hohenzollern de 1891 pensait mettre à la base de son entreprise mondiale, de sa Weltpolitik.

Une « Association douanière » est un pacte offensif et défensif contre un envahisseur ou un concurrent : au lendemain de l’alliance franco-russe, on pouvait croire que le Zollverband de Guillaume II n’était qu’un renforcement de la Triplice, une réponse aux toasts de Cronstadt (juillet 1891)., Mais, dans ce pacte, Guillaume II enrôlait déjà la Belgique ; il allait bientôt y enrôler la Suisse ; puis des négociations conciliantes allaient (1894) gagner l’adhésion de la Russie et amener à Kiel (1895) l’escadre franco-russe… Contre qui donc Guillaume II préparait-il le Zollverband continental ?… La neutralité économique d’Anvers était-elle moins utile à la fortune de Londres que la neutralité diplomatique et militaire de la Belgique à la sécurité de l’Angleterre ?… et cette neutralité belge n’était-elle pas plus indispensable aux Anglais qu’aux Français eux-mêmes ?

De 1891 à 1895, Guillaume II n’eut que des sourires pour cette Angleterre qu’il visitait chaque année, où il se disait bien haut le petit-fils de la Reine, où il inspectait tour à tour, pour les admirer, les arsenaux et les casernes, les navires de guerre et les défenses côtières, les usines et les docks, les banques et