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meilleures références. Elle avait, d’ailleurs, ses meilleurs cliens dans son voisinage, dans les alliances de son gouvernement on les amitiés de son Empereur, dans cette zone de sécurité où la pointe de son casque lui donnait toute garantie contre les orages commerciaux.

Elle obtenait, elle méritait les sympathies de sa clientèle, moins par la valeur foncière de ses produits qui restaient de qualité inférieure, que par son zèle à servir les petits acheteurs, à satisfaire les besoins démocratiques, à fournir les moindres débitans comme les plus gros, à vulgariser les dernières inventions et à les mettre à la portée de toutes les bourses. L’Angleterre, qui avait si longtemps tenu ce rôle pour le progrès de l’humanité, semblait, en 1890, pencher de jour en jour vers le snobisme aristocrate et vers l’impérialisme dédaigneux : personnifiées dans un Chamberlain, sa raideur, son ignorance des dernières découvertes et ses prétentions d’imposer aux autres peuples ses modes, ses conditions et ses prix, toute son insularity faisait valoir la souple promptitude des Allemands à subir les habitudes et les préférences de tout client nouveau.

Ceux-là mêmes qui gardaient leur reconnaissance aux incomparables services de l’Angleterre libérale, leur défiance et leur haine à la duplicité et au brigandage d’un Bismarck ne voyaient pas d’un mauvais œil que le brochet allemand entrât, grandit et s’agitât dans le commerce continental où la carpe anglaise semblait vouloir s’endormir et s’envaser un peu : ce que la Prusse bismarckienne avait commis de crimes en Europe contre les nationalités semblait, non pas effacé, ni racheté, mais un peu compensé par les services que l’Allemagne bismarckienne rendait au progrès scientifique et au bien-être matériel des démocraties… Après les vingt-cinq années de Guillaume II, que pense aujourd’hui l’Europe unanime et vers qui, de l’Allemagne ou de l’Angleterre de 1915, va l’estime de l’humanité ?


Le 18 décembre 1891, Guillaume II annonçait aux Berlinois que le Reichstag venait de ratifier par 243 voix contre 48 les trois traités de commerce avec l’Autriche-Hongrie, l’Italie et la Belgique, qu’avait préparés M. de Marshall et défendus le chancelier Caprivi. L’Empereur tenait à remercier « ce simple général prussien d’avoir conclu ces traités qui resteront, pour