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l’univers : pour faire de la politique mondiale, elle n’avait qu’à luire sa politique romaine ; pour disposer du marché mondial, elle n’avait qu’à exploiter son marché romain.

Après 1871, Berlin, ayant acquis l’empire, devint pour le monde germanique ce que Rome était devenue pour le monde méditerranéen après César. Résidence de ce Hohenzollern, dont Bismarck avait fait le César allemand, capitale de son électorat-royaume, centre de toutes ses affaires publiques et privées, Berlin disposait par lui des terres les mieux cultivées, du commerce le mieux outillé et des industries les plus florissantes qu’eût encore jamais eus un peuple d’Allemagne.

Sur les 540 000 kilomètres carrés de cet empire allemand, l’électorat-royaume en occupait 350 000, et sur les 41 millions d’Allemands, 25 millions étaient sujets prussiens de vieille souche ou d’acquisition récente. Dans ses provinces prussiennes de la Vistule, de l’Oder et de l’Elbe, que. depuis deux siècles, l’électeur-roi avait laborieusement améliorées, Berlin avait les plus grosses fermes de l’Allemagne, les plus grandes productrices de grains, de pommes de terre, de betteraves à sucre et de bestiaux ; la Bavière plus fertile gardait une supériorité en certaines cultures de luxe, vigne et houblons, et dans l’élevage du gros bétail ; mais la Prusse restait la nourrice de l’Empire, et ses hobereaux de l’Est étaient l’énergique état-major de la plus nombreuse et de la plus solide armée paysanne.

Pour l’industrie, c’étaient pareillement les provinces prussiennes du haut Oder et du Rhin, la Silésie, la Westphalie et le Rheinland, qui, dans l’Empire, extrayaient le plus de charbon, le plus de minerais, fondaient le plus de fer, tissaient le plus de laine et de coton. L’hégémonie commerciale de la Prusse était encore mieux assurée : le Hohenzollern tenait les rivages de la mer du Nord et de la Baltique et n’y laissait de place qu’à des États secondaires, sans grande industrie, presque sans trafic, l’Oldenbourg et les Mecklembourg, ou à des républiques côtières, sans le moindre hinterland, Brème, Hambourg et Lubeck. Tous les peuples allemands devaient donc emprunter le transit de la Prusse pour atteindre les ports qui ouvraient à l’Empire ses relations avec le reste du monde et surtout ses communications quotidiennes avec sa meilleure fournisseuse et cliente d’alors, la Grande-Bretagne.

Que pouvaient devenir les vieilles places commerçantes et