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reconstitution du régime impérial au profit de Yuen Chekai, régime qui leur laisse à eux-mêmes un pouvoir quasi absolu. Plusieurs autres personnes ont été aussi, depuis peu, assassinées pour les mêmes motifs. Enfin, un crime symbolique a été perpétré à Changhai ; le jour même où paraissait le premier numéro du journal pro-impérialiste, l’Asia Jeupao, une bombe éclatait à la porte de sa rédaction, tuant ou blessant dix personnes.

De son côté, la police des divers gouverneurs dont Yuen s’est assuré le concours redouble de rigueur. On rétablit les anciens supplices pour effrayer les ennemis du dictateur ; bien que la nouvelle législation pénale ait supprimé la torture, le révolutionnaire qui lança la bombe sur le gouverneur de Canton fut exécuté avec tous les raffinemens de cruauté du temps passé ; il subit la mort lente, c’est-à-dire qu’on commença par lui couper le nez, les oreilles, les extrémités des mains et des pieds ; on lui enleva les seins au couteau et toutes les parties protubérantes du corps ; on lui fit une incision sur le ventre, et on lui ôta une partie des intestins, ayant soin de ne pas le faire périr du coup ; puis on lui arracha les deux yeux ; enfin, on lui ouvrit le front et on lui enleva la cervelle avec une cuillère. Les supplices de ce genre n’ont pas arrêté les révolutionnaires sous l’Empire tartare-mandchou ; il est vraisemblable qu’ils n’arrêteront pas davantage leur mouvement sous le règne de l’ancien vice-roi, que celui-ci se proclame ou non empereur.

En outre, tous les membres des assemblées diverses, provinciales ou autres, qui ont été supprimées, continuent leurs conspirations sourdes, leurs machinations secrètes ; les vieilles sociétés, où l’on jurait, par le sang, haine a mort aux Mandchoux, ont repris leur activité, étendant leurs ramifications pour recommencer leur œuvre destructrice, et elles se servent aujourd’hui du même mot d’ordre : « Guerre à un gouvernement qui livre la direction de notre pays aux étrangers ! »

Telle est la situation bien réelle du moment présent, et il ne faut point, si l’on veut pouvoir porter un jugement sur les choses de ce pays, se laisser illusionner par les nouvelles tendancieuses émanées du cabinet du dictateur lui-même et qui annoncent qu’un plébiscite va le nommer empereur. Quelques agens s’en vont dans les provinces et envoient des adresses