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Chine. Enfin, les élémens démocratiques attendent d’une alliance une garantie de paix en Extrême-Orient et, par suite, une diminution du fardeau des dépenses militaires qui pèse si lourdement sur les épaules du peuple.

De ces trois courans, c’est, en ce moment, une combinaison des deux premiers qui l’emporte dans la direction des affaires publiques, avec prédominance de l’esprit féodal et militaire, et c’est là ce qui rend si délicate toute question d’alliance entre le Japon et une ou plusieurs des Puissances de l’Entente, celles-ci se trouvant liées d’amitié et d’intérêt avec les Etats-Unis.

Nul n’ignore le vieil antagonisme entre les deux riverains du Pacifique. On n’a oublié, ni en Amérique, ni au Japon, les frictions douloureuses, les complications graves qui sortirent de la question de l’émigration japonaise en Californie ; il a fallu, à ce moment, une grande habileté et une grande souplesse aux deux gouvernemens pour éviter une guerre. L’Américain du Nord, dans toutes les classes de la société est profondément imbu du préjugé de race ; la supériorité essentielle des blancs est pour lui un dogme, encore aujourd’hui. L’amour-propre des sujets du Mikado s’en trouve fort blessé. C’est ce préjugé qui a fortement contribué à envenimer les anciens conflits et laissé depuis subsister entre les deux peuples une grande froideur. Les oppositions sentimentales sont toujours un grand obstacle au rapprochement des peuples tout autant qu’à celui des individus. En outre, les Etats-Unis considèrent la Chine comme un marché qui doit rester les portes grandes ouvertes ; leurs nationaux qui y travaillent à l’œuvre de pénétration commerciale et industrielle n’entendent pas que ce vaste pays passe sous une domination féodale et militaire plus ou moins déguisée.

Lorsque les Japonais s’installèrent en Corée, ils trouvèrent sur leur chemin de nombreux missionnaires protestans américains avec lesquels ils eurent maille à partir ; car ces citoyens de la libre Amérique étaient fort choqués des procédés autoritaires de l’administration japonaise à l’égard des Coréens, leurs ouailles, dont ils prenaient la défense. Leurs confrères en Chine se rappellent les multiples conflits d’influence, et les commerçans et les gens d’affaires, la politique d’éviction lente, mais continue de tous les étrangers en Corée par les Japonais.

Qui dominera dans l’avenir le Pacifique ? Sera-ce la grande démocratie américaine, fière de son incroyable et puissant