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expansion russe vers le lointain Pacifique. Les causes de friction, les compétitions qui avaient été si nombreuses dans le passé allaient devenir de l’histoire. Dès janvier, les journaux chinois apercevaient déjà cette conséquence de la guerre d’Europe, et ils prédisaient une alliance future de la Russie et du Japon, que ne séparait plus aucune rivalité d’intérêts fondamentaux. La presse japonaise faisait écho ; de-çà, de-là, on discutait la question, on préparait l’opinion.

D’autre part, le Japon apportait à la Russie un utile concours en lui envoyant des armes et des munitions ; ses usines travaillaient pour elle ; les trains chargés se succédaient sur le Transsibérien, et ainsi se trouvait compensée la faiblesse de la production russe, surtout en matière de projectiles.

Dans ces conditions, la Russie ne pouvait que désirer beaucoup ne pas intervenir dans les discussions au sujet des affaires chinoises, et cela, d’autant plus que les Russes, toujours bien informés, savaient que l’opinion publique et la presse japonaise se montraient très nerveuses. On trouvait mauvais dans les îles que les Puissances ne laissassent pas complètement les mains libres au Japon pour agir en Chine. Certaines feuilles s’exprimaient amèrement sur le compte de l’Angleterre alliée, le Mainichi surtout se signala par son langage. Dans certains cercles politiques influens de Tokyo, on préconisait une action militaire contre la Chine qui, profondément blessée par les demandes japonaises, semblait vouloir se mettre tout entière, afin de sauvegarder l’indépendance nationale, derrière le chef de l’Etat. Au Japon, les partisans d’une intervention armée faisaient valoir que jamais l’occasion n’avait été si propice de réaliser, d’un seul coup, les projets impérialistes les plus audacieux. La puissance militaire de la Chine n’était pas même un mythe. Ce pays se trouvait sans aucune organisation permettant d’improviser la moindre résistance ; il se concrétisait, en somme, dans une seule personne, n’ayant d’appui, d’une part, que dans la partie la plus arriérée de la nation et, d’autre part, que chez des chefs militaires placés à la tête des provinces, chefs commandant à des troupes mercenaires sans valeur et incapables de se mesurer avec les soldats japonais.

Le gouvernement du Mikado eut à faire preuve d’une grande souplesse, en la circonstance, pour calmer les uns et les autres, pour se prêter aux mesures conciliatrices ; mais ces