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de Pékin et le persuadaient de réformer l’armée et la marine et de les mettre sur un pied moderne.

La Russie et le Japon, n’étant point des puissances financières, demeuraient en dehors du groupe. L’un et l’autre, en Asiatiques avertis, connaissant bien le terrain des affaires chinoises, riaient sous cape, car ils pensaient aux quatre cent cinquante millions de jaunes que le consortium considérait comme n’ayant pas voix au chapitre. De fait, la dynastie, en raison même de ses rapports avec les étrangers, devenait chaque jour plus impopulaire. De tous côtés, on l’accusait de vendre le pays et ses ressources ; l’irritation grandissait dans le peuple, la théorie des droits de l’homme et du citoyen, les livres de Rousseau, de Montesquieu, l’histoire de la Révolution française étaient d’ailleurs dans les mains de tous les lettrés ; enfin, en octobre 1911, la révolution éclatait ; en quelques mois, l’Empire était renversé ; pour sauver la face, il se retirait en abdiquant expressément et solennellement en faveur de la République.


Qu’allaient faire Russie et Japon en présence de cet événement nouveau ? Et le consortium des quatre Puissances, quelle attitude allait-il adopter ?

De part et d’autre, on attendit d’abord que l’orage fût calmé ; émeutes, luttes armées, batailles, bref, toute la partie guerrière de la révolution dura à peine trois mois ; l’Empire corrompu, comme un arbre mort, s’écroulait tout d’un coup.

Les révolutionnaires triomphans avaient, à la fin de 1911, constitué un gouvernement à Nankin, proclamé la République, et voté une Constitution démocratique s’inspirant de celles des grandes républiques occidentales. Le fameux docteur Sun Yatsen, l’un des principaux artisans du mouvement, était nommé chef de l’Etat.

Lorsque la victoire des républicains se fut affirmée, le consortium entama avec ceux-ci des négociations en vue de réaliser, sous le régime nouveau, le projet dont les bases avaient été jetées sous l’Empire.

On fit même des avances de fonds à récupérer sur un emprunt futur. Mais, tandis que les représentans du groupe discutaient à Changeai, à Pékin, Russes et Japonais agissaient. Ils entendaient n’être pas laissés ainsi de côté dans une affaire où il ne s’agissait de rien moins que de mettre la main sur la Chine tout entière.